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III. — Le dernier ordre de considérations où la théorie des idées-reflets croit trouver un appui est l’unité de composition des états de conscience. On sait que les psychologues allemands ont appliqué avec succès à la théorie psychologique des sens les méthodes de la physiologie expérimentale, et ils en ont tiré des conclusions relatives à la composition des états de conscience. Helmholtz, Fechner, Weber, Wundt, composent les sensations actuelles au moyen d’éléments de sensations dont elles sont la sommation. Mais la grande question est de savoir quelle est l’unité primitive. Selon la doctrine des idées-reflets, cette unité peut être définie un choc, et c’est la combinaison quantitative des unités primordiales de choc qui produit les différences qualitatives des sensations. On aboutit ainsi à une théorie anatomique de l’esprit, pour faire pendant à la théorie atomique de la matière.

Selon la théorie des idées-forces, l’unité psychique primordiale ne peut pas plus être le choc que le processus psychique primordial ne peut être le réflexe purement mécanique. Nous avons vu, en effet, que la conscience ne peut être un composé d’éléments vraiment inconscients, de zéros de conscience. Une fois admis que la conscience distincte est formée d’éléments subconscients, c’est dans le domaine psychique, et non mécanique, qu’il faut chercher où se trouvent les états de conscience qui se rapprochent le plus de ces éléments subconscients et qui, par cela même, sont les plus radicaux, les plus primitifs. Or l’introspection directe, la psychologie comparée, la psychologie animale, la psychologie infantile, enfin la psychologie morbide, nous apprennent que ce n’est pas dans le domaine intellectuel qu’il faut chercher, puisque l’intelligence est, par excellence, la clarté, la distinction, la différenciation et l’intégration complexe des éléments de la conscience. C’est ce qui fait qu’il est inadmissible de composer l’esprit avec des raisonnements, par exemple, et avec des « raisonnements inconscients », c’est-à-dire des raisonnements qui ne se raisonnent pas. Les doctrines qui cherchent les éléments radicaux dans les sensations sont beaucoup plus plausibles ; mais, ici encore, on commet d’ordinaire l’erreur de faire appel aux cinq sens, c’est-à-dire à des sensations nettement différenciées et intégrées, dues à des appareils compliqués qui sont le produit d’une longue évolution à travers les siècles. Pour se représenter les états vraiment primitifs, il faut au contraire supprimer les sens particuliers et externes, qui ne sont que des instruments de physique, pour considérer les sensations internes et vitales, dues aux organes internes, qui sont de vrais instruments de physiologie. Même parmi ces sensations, il faut supprimer celles qui ont des qualités trop distinc-