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ments des deux bras se trouve dans une synthèse mentale unique.

Il importe d’ajouter que ce conflit des synthèses mentales difl’érentes produit chez le sujet une impression subjective de malaise qui rend ces expériences peu attrayantes. Chez quelques personnes, j’ai même observé que le malaise est tel qu’elles renoncent instantanément à l’expérience ; chez ceux qui persistent, la fatigue ne tarde pas à se faire sentir au bout de dix minutes d’expériences suivies.

2o Un grand nombre de circonstances modifient ces actions perturbatrices. Nous ne citerons que les plus importantes.

D’une manière générale, on peut dire que les deux opérations intellectuelles qu’on exécute simultanément, se nuisent d’autant moins qu’elles sont plus simples ; si on les rend plus complexes, le désordre se fait sentir. Par exemple, Mlle O. peut faire deux pressions régulières, à chaque seconde, tout en faisant des additions mentales de deux chiffres ; si on la prie de serrer quatre ou cinq fois, pendant le même travail d’addition, le tracé s’irrégularise ; et le désordre est d’autant plus considérable que le nombre des pressions en série qu’on demande au sujet d’exécuter est plus grand.

Ce même fait peut se présenter sous une autre forme. Si une personne cherche à lire et à comprendre ce qu’elle lit pendant que sa main exerce une série de pressions, on remarque parfois que lorsque la lecture ne présente aucune difficulté et se fait couramment, le tracé peut être assez régulier ; mais si le lecteur rencontre un mot difficile à prononcer, ou un mot d’un sens obscur, il se produit un désordre particulier du tracé, qui indique l’effort intellectuel supplémentaire que le sujet a dû faire à ce moment de la lecture.

Le procédé d’expérimentation que nous venons de décrire pourra à la rigueur, et bien indirectement, indiquer l’étendue des phénomènes qui peuvent, à un moment donné, remplir une même conscience. M. Pierre Janet, développant une ancienne théorie de M. Richet, a soutenu récemment que chez les hystériques et généralement chez les sujets suggestibles, il y a un rétrécissement notable du champ de la conscience, et une diminution manifesta du nombre des phénomènes simultanés qui peuvent à chaque instant remplir l’esprit[1]. Nous ferons remarquer que pour mesurer le champ de la conscience, il ne faut pas prendre le sujet dans un état d’attention volontaire, dirigée uniquement dans un sens ; car cet état d’attention est accompagné d’un état de distraction qui empêche la

  1. L’Automatisme psychologique, p. 199.