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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/159

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A. BINET.concurrence des états psychologiques

tats ailleurs ; pour ne pas rompre l’unité de notre étude, je vais résumer très brièvement ces résultats ; si on communique des mouvements passifs à la main du sujet, il arrive un moment où la main continue d’elle-même le mouvement, à l’insu du sujet : par exemple, je fais tracer des boucles ou des hachures, ou je fais marquer des petits points à la plume que le sujet tient dans la main ; puis je quitte doucement la main, ou bien, tout en restant en contact avec elle, je cesse de la diriger ; alors, il peut arriver que la main continue pendant quelque temps à tracer les mêmes caractères.

Cette répétition automatique du mouvement est des plus nettes, et l’on comprendra qu’il n’est pas nécessaire d’appareils spéciaux pour l’enregistrer lorsqu’on saura qu’il a suffi de trois ou quatre séances d’essais chez un des sujets pour qu’un mouvement de flexion du poignet fût répété une soixantaine de fois à son insu.

Lorsque le mouvement de répétition s’arrête, il suffit parfois d’exercer une légère pression sur la main pour que le mouvement recommence ; par exemple, la main du sujet vient de tracer automatiquement une trentaine de boucles avec la plume ; la plume finit par devenir immobile ; si on touche légèrement l’index ou le dos de la main, celle-ci semble se réveiller ; et comme si elle obéissait à une suggestion par le contact, elle recommence à tracer une série de boucles. Tout cela se passe en dehors de la conscience du sujet.

L’automatisme se présente donc ici sous deux formes : continuation d’un mouvement commencé ; reprise de ce même mouvement sous l’influence d’une excitation tactile.

Le mouvement automatique doit être distingué profondément du mouvement volontaire ; il n’a pas le même point de départ que le mouvement volontaire, il n’émane pas de la même personnalité. Ce n’est pas le sujet qui, sur notre invitation, trace des lettres ou remue sa main ; d’abord, il ne perçoit pas distinctement les mouvements de sa main, et ensuite, quand il en a connaissance, il croit que ce sont des mouvements passifs, communiqués ; il croit qu’il ne fait rien, qu’il se laisse aller, et que c’est l’expérimentateur qui le conduit. J’insiste un peu sur les caractères psychologiques de ces mouvements provoqués à l’insu du sujet et en dehors de sa personnalité, car ils se distinguent nettement des mouvements volontaires que nous avons étudiés précédemment.

Tout à l’heure, nous avions demandé à une personne d’exercer plusieurs pressions sur un tube pendant qu’elle faisait un calcul mental ; ou bien nous l’avons priée de serrer le tube avec la main pendant qu’elle écrivait avec la main droite. Dans tous ces cas, les mouvements produits étaient volontaires ; ils émanaient de la personnalité du sujet,