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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/186

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des noms physiques qu’on donne à un centre s’attribuant des manières d’être personnelles, à un centre auquel les phénomènes soient appartenants et sensibles. Ou bien, s’ils ne sont pas cela, ce ne sont que des subterfuges imaginés pour esquiver le problème, des expressions vagues et mal définies par lesquelles on essaye de donner un corps à une solution parfaitement nulle. Si maintenant on considère l’organisme au point de vue statique, comme une sorte de sujet palpable des modifications spirituelles, conférant à la série de celles-ci une unité personnelle grâce à l’unité tangible de sa propre durée, voici ce que nous répondrons. L’organisme, matériellement, n’est rien en dehors des molécules qui le composent, Or, ces molécules se renouvelant sans cesse, celles qui travaillent aujourd’hui à faire naître demain un certain état dans mon cerveau, demain ne seront plus dans mon cerveau : elles seront, soit hors de mon organisme, soit dans quelque partie de cet organisme entièrement étrangère à la conscience, dans des conditions où elles ne sauraient plus devenir les sujets d’aucune sensation. Ce ne sont donc pas les mêmes molécules qui désirent et qui jouissent ; ce n’est pas le même corps qui appréhende et qui évite ; ce n’est pas pour lui-même qu’à chaque moment mon organisme frissonne d’espoir ou de peur. Bref, les atomes de mon encéphale ne s’agitent et ne travaillent jamais que pour les futurs occupants de leurs places temporaires dans cet encéphale. Dès lors pourquoi ne s’émouvraient-ils pas aussi bien pour les atomes encéphaliques de mon voisin, avec lesquels ils ont exactement autant de communauté d’être qu’avec la matière subséquente de mon propre cerveau ?

En un mot, et pour mettre un terme à ces analyses qui se répètent forcément entre elles, puisqu’il n’y a point dans chaque organisme un moi qui jouisse et qui souffre, mais seulement des sommes de phénomènes perpétuellement remplacées les unes par les autres, il devient absurde que l’une de ces sommes se préoccupe en quoi que ce soit de la nature d’une somme subséquente, et fasse des vœux pour qu’elle soit telle ou telle. Car, encore une fois, à qui ces vœux sont-ils destinés à profiter ? Où est l’élément qui a intérêt, maintenant, à ce que, plus tard, telle chose ait lieu plutôt que telle autre, dans tel corps plutôt que dans tel autre ? Qui est-ce qui gagnera ou perdra quoi que ce soit, si une chose qui ne soit pas celle que l’on désire se passe dans un corps qui ne soit pas celui qu’on a en vue ? Ni la douleur ni la jouissance ne vous appartiennent, à vous qui n’êtes pas un être : L’idée de la jouissance d’autrui a donc exactement le même droit à vous intéresser que celle de votre douleur et de votre jouissance. Les états de conscience étant anonymes, et ne devenant le propre de personne, il n’est pas un phénomène raisonnable qui puisse légitimement se préoccuper de leur partage, et réclamer pour ses héritiers les uns plutôt que les autres. Le communisme psychologique devient une vérité de sens commun ; où est l’impertinent et le sot qui, s’imaginant être quelqu’un, prétende encore considérer les faits sensibles dans leur relation avec son moi