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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/199

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ANALYSES.p. janet. L’automatisme psychologique.

d’hui que les raisonnements, ainsi du reste que les autres états conscients, sont accompagnés d’un certain processus physiologique, que j’ai moi-même cherché à décrire dans un de mes ouvrages[1]. On suppose que ce processus peut se produire seul, sans son accompagnement de conscience, et c’est là ce qu’on appelle, par abréviation, un raisonnement inconscient. On peut attaquer l’hypothèse, on ne peut pas dire qu’elle est vide de sens.

Nous avons lu avec beaucoup d’intérêt les pages où l’auteur, rappelant des idées chères à Maine de Biran, suppose la possibilité psychologique d’un état où il y aurait des sensations, conscience des sensations, sans qu’il y eût en même temps conscience du moi. Telle est, selon M. Pierre Janet, la nature de la conscience chez le cataleptique. Et cette conception ne reste pas purement théorique ; il l’applique instantanément à des phénomènes que jusqu’ici on considérait comme purement mécaniques, et dont on voulait chercher simplement le centre dans la moelle. Ainsi la continuation d’une attitude communiquée ou plasticité cataleptique s’expliquerait par une sensation musculaire persistante, qui serait produite par la position donnée au membre, et qui, à son tour, exerçant son action sur les muscles du bras, maintiendrait celui-ci en position ; la persistance de la sensation viendrait de ce qu’elle ne rencontre aucun obstacle dans cette conscience à peu près vide ; on pourrait aussi employer la même explication pour la production des contractures, et si les contractures disparaissent par l’excitation des muscles antagonistes ou d’autres muscles, cela tient à ce que d’autres sensations musculaires remplacent la première. L’auteur poursuivant, son explication, n’a pas de peine à ramener à des lois psychologiques l’imitation cataleptique et l’influence des gestes sur la physionomie ; ici, du reste, il ne dit rien de nouveau, et il y a longtemps qu’on a invoqué l’association des sensations, des images et des mouvements pour expliquer ces phénomènes ; mais ce qu’il y a d’absolument nouveau et de très intéressant, c’est d’expliquer la contracture et la plasticité cataleptique par des sensations musculaires persistantes.

Quittons maintenant la catalepsie, et abordons avec l’auteur l’étude psychologique du somnambulisme. Nous sommes toujours dans la partie du livre qui porte le titre d’automatisme total ; et cela est bizarre ; car nous allons assister chez les somnambules à la naissance d’un caractère, d’une personnalité ; et nous avions cru comprendre que l’auteur réservait le nom d’automatisme à cette forme rudimentaire de la conscience où il n’y a point d’idée de personnalité. Il semble bien que sa pensée est restée sur ce point quelque peu hésitante.

Dans le somnambulisme, l’auteur n’étudie que l’état psychique : il admet même et affirme à plusieurs reprises qu’il n’y a que des différences de psychologie entre les divers états hypnotiques par lesquels

  1. Psychologie du raisonnement, chapitre dernier.