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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/209

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ANALYSES.p. janet. L’automatisme psychologique.

nouveau, c’est la perception personnelle. L’association automatique des idées n’est pas une activité actuelle, c’est le résultat d’une ancienne activité qui autrefois a synthétisé quelques phénomènes en une perception unique ; la perception dont nous parlons maintenant, c’est la synthèse au moment où elle se forme[1] » Il nous semble que des affirmations aussi graves auraient besoin d’être démontrées ; et jusqu’à preuve contraire nous admettrons qu’une activité psychique peut évoluer et se développer avant que l’idée de personnalité vienne s’y joindre. Il y a dans les propriétés des images, dans la similarité, dans la contiguïté, de quoi faire des raisonnements, et le raisonnement n’est-il pas une acquisition, une adaptation nouvelle, un progrès ? Qu’on donne au raisonnement qui s’accomplit en dehors de l’idée du moi un autre nom, qu’on l’appelle inférence, peu importe ; il consiste évidemment dans une complication, dans une extension de la pensée. En tout cas, nous voici bien loin des faits d’expérience.

Ce qui paraît démontré, ce qui est à retenir, c’est que l’automatisme n’explique pas toute la vie psychologique. C’est là le résultat précieux et inattaquable de nos expériences ; il faut le conserver avec soin. Nous avons dit en effet à plusieurs reprises que des sensations et des images, quoique associées par la contiguïté et s’évoquant les uns les autres, peuvent ne pas faire partie de la même synthèse mentale ; il y a donc des synthèses mentales qui n’ont pas leur raison suffisante dans un réseau d’associations : proposition d’une importance considérable, et d’autant plus précieuse, je le répète, qu’elle est fondée sur des faits non douteux. C’est là que je m’arrête, pour le moment. M. Janet va plus loin, mais il quitte le terrain des faits.

Je me ferais un scrupule de terminer par cette critique l’analyse d’un ouvrage aussi remarquable, et arrivé au terme de mon travail, il me semble que je ne suis pas parvenu à en dire tout le bien que j’en pense. Malgré soi, on passe rapidement sur les faits qu’on considère comme acquis, et on s’attarde à discuter les points qui paraissent contestables. Cela peut donner au lecteur des illusions sur l’importance relative des uns et des autres. Or, je tiens à rappeler au contraire que sur les questions fondamentales nous sommes pleinement d’accord, et les lecteurs de cette Revue savent peut-être que dans des expériences qui n’avaient rien de commun, ni la méthode ni le but, M. Janet et moi nous nous sommes rencontrés sans nous chercher. L’accord de nos expériences n’a pas été cet accord général et quelque peu banal qui ne signifie pas grand’chose ; il a porté sur les faits les plus précis et les plus délicats.

Enfin, pour apprécier l’importance des contributions de M. Janet à la psychologie des phénomènes hypnotiques, il suffira de rappeler qu’on trouve dans son ouvrage des études remarquables sur la pluralité des somnambulismes, sur l’état psychique qui les caractérise, sur

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