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ANALYSES.l. dauriac. Croyance et réalité.

en apparence redoutable, que M. Dauriac s’attaque dès le début de son livre, dans le chapitre intitulé l’Axiome et la Croyance. Après avoir établi que les axiomes et la loi d’identité sont les principes nécessaires à toute pensée, et maintenu contre Stuart Mill et les empiristes qu’il s’agit ici d’une nécessité absolue et a priori, non d’une nécessité relative et contingente, M. Dauriac montre que, si nous cherchons toujours à nous conformer à ces lois, nous n’y réussissons jamais complètement : le mensonge et l’erreur en sont la preuve. Nous ne pouvons penser comme il convient qu’en leur obéissant : voilà ce que réclame la logique. Mais il nous arrive souvent de penser, de croire le faux. C’est qu’en fait, il nous est impossible de scinder les fonctions de l’âme : nous jugeons toujours avec l’âme tout entière. Nous ne connaissons donc le vrai que si nous voulons le connaître : il entre un élément moral dans l’affirmation de la plus simple vérité. Non pas que le croire soit préférable au savoir : mais dans tout jugement, même apodictique, la croyance a sa place ; et il faut rappeler l’admirable formule de Jules Lequier : « Alors qu’on croit de la foi la plus ferme qu’on possède la vérité, on doit savoir qu’on le croit, non pas croire qu’on le sait ». En un sens donc, on peut dire que l’axiome est, autant qu’une loi, une règle et une maxime. Et avec une hardiesse qui semble toucher au paradoxe, mais qu’une longue et minutieuse analyse a justifiée, M. Dauriac propose de donner aux axiomes le nom d’impératifs logiques : « Nous pensons que les termes impératifs logiques, dont l’usage n’est pas répandu, si même on l’a proposé avant nous, répondent aussi exactement que possible à la réalité des faits, qu’ils traduisent assez fidèlement pour ne pas dire plus, l’état d’indépendance de l’âme vis-à-vis de tout ce qui n’est point elle, qu’ils marquent mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour, cette liberté de l’entendement, méconnue par les mieux intentionnés des psychologues, et qu’il faut bon gré mal gré se décider à reconnaître, sous peine de ne rien comprendre à l’histoire des opinions et des doctrines. »

Le chapitre intitulé Dogmatisme, Scepticisme, Probabilisme nous présente une réfutation directe du dogmatisme. Selon les dogmatistes, il n’y a point de différence entre la vérité et la certitude. La vérité, comme aussi la probabilité, est regardée comme une propriété intrinsèque des choses connues : elle réside dans l’objet, et si elle produit la certitude dans l’esprit, c’est en agissant sur lui à peu près comme on se représente les corps lumineux se reflétant sur un miroir. Cette comparaison est le fond du dogmatisme : elle n’est pas une raison. Comme le dit très bien M. Dauriac, rien n’autorise à supposer que les rayons de la vérité ne subissent pas, comme ceux de la lumière, l’influence des milieux traversés. La réflexion n’empêche pas la réfraction. En fait, l’existence de l’erreur est l’éternelle pierre d’achoppement de tout dogmatisme. Il nous arrive d’être certains du faux : comment donc la certitude serait-elle l’équivalent de la vérité ? C’est une chose trop peu remarquée que les dogmatistes sont dans l’impossibi-