philosophie spinoziste, et l’absolu de la métaphysique allemande postérieure à la critique kantienne. M. Dauriac rappelle, en les appliquant aux théories des penseurs contemporains, les arguments de Kant et de Hamilton sur l’impossibilité de penser l’absolu sans le détruire. L’auteur (et nous ne disons pas qu’il ait tort) a grande confiance dans ces arguments ; il dit couramment : Depuis Kant, il n’est plus possible de soutenir telle opinion ; le débat est clos ; « depuis la Critique de la Raison pure, le dogmatisme est atteint mortellement ». Bref, il croit qu’il y a des vérités définitivement acquises en philosophie. Il ne faut pas troubler son honorable candeur. Où il semble toutefois qu’il ait raison, c’est quand il nous représente M. Spencer, partisan de l’absolu, portant à l’absolu le coup de grâce en l’appelant l’inconnaissable. M. Spencer a plus fait contre l’absolu que son implacable adversaire, Hamilton.
Il reste pourtant un dernier refuge aux partisans de l’absolu, et il s’agit ici d’un argument dont ils ont souvent abusé. N’est-il pas vrai que le fini suppose l’infini, que le relatif suppose l’absolu ? N’est-ce point là une des lois essentielles de l’esprit ? et l’abolir, c’est-à-dire nier l’absolu, n’est-ce pas démembrer et dissoudre l’esprit lui-même ? Erreur, répond M. Dauriac. Si un terme positif peut toujours se convertir en un terme négatif correspondant, ne faudra-t-il pas dire, en vertu de la même loi prétendue : la présence suppose l’absence ; l’être suppose le néant ? Au vrai, ce qu’il faut dire, c’est : le fini suppose un autre fini, c’est-à-dire sa limite ; le relatif suppose un autre relatif. Ainsi disparaît l’absolu, et avec lui la substance, et avec elle le réalisme.
Après cette forte discussion, si vivement et si brillamment conduite, on pouvait croire la tâche de M. Dauriac achevée. Elle ne l’est pas. II lui vient à l’esprit que la substance pourrait bien se cacher encore dans les sombres retraites de la grammaire ; et comme Platon poursuivait le sophiste jusque dans les ténèbres du non-être, M. Dauriac relance la substance dans son dernier asile. C’était peut-être inutile. Toutefois, suivons notre auteur.
La grammaire a besoin du substantif, comme la métaphysique de la substance ; et on est tenté de prendre le substantif pour le signe du noumène. Mais si on examine attentivement la nature et le rôle des noms substantifs, on s’aperçoit bien vite que tous les concrets, aussi bien que les abstraits, désignent non des individus, des êtres réels, mais des qualités isolées par l’abstraction. C’est ce que prouve l’analyse directe. La réalisation hypothétique des caractères connotés par le mot bonté et par le mot cheval ne saurait suffire à produire ni la perception d’un acte de vertu, ni la perception d’un cheval. Et c’est ce que confirme le témoignage des linguistes les plus autorisés ; M. Dauriac s’appuie ici, sur l’autorité de M. Arsène Darmesteter. En résumé, tout substantif naît de la perception des qualités et du discernement attentif de l’une d’entre elles ; et il faut dire avec Lotze : « On ne doit