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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/231

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ANALYSES.s. novanticus. Metaphysica nova et vetusta.

« Si l’analyse précédente est une analyse vraie, il est impossible de soutenir que l’objet sensible « subsiste par lui-même », quel que soit le sens que l’on prétende donner à cette expression. Il existe seulement dans, par, et pour l’esprit, lequel à vrai dire n’est pas mon esprit, mais l’Esprit universel. Ceci, à mon sens, est maintenant une vérité démontrée, une simple constatation de fait. Mais cet objet des sens, bien qu’il ne subsiste pas par lui-même, subsiste cependant pour lui-même, ce qui veut dire qu’il possède son mode de subsister pour lui-même : dans son ensemble total et dans ses incarnations particulières infinies, il est distinct de l’universel mouvement que nous appelons « l’esprit », et pourtant il demeure en lui, recevant de lui son entière réalité et sa signification. C’est de cette sorte que mon corps n’est pas moi. Du moment où il existe des êtres doués de personnalité, il ne peut y avoir de difficulté à comprendre la possibilité de myriades d’individus. L’individualité d’une pierre est le même problème que l’individualité d’un Moi conscient de lui-même. Ces myriades d’êtres et le total de toute possibilité sensible me sont donnés, en fait, dans, par et pour l’Esprit universel.

« Il est donné à l’homme seul de reconnaître l’unité immanente des choses par opposition à l’Être-un et à la Vie-une, et dans cet acte de récognition vraie il s’abolit lui-même pour se remplir de Dieu. Il s’abolit lui-même, dis-je, en ce qu’il transporte sa personnalité au sein de l’universel, sans supprimer, bien entendu, cette personnalité : au contraire, il lui donne toute sa plénitude.

« Ainsi l’esprit fini contemple l’esprit infini. Quoique fini, il a conscience de l’Infini et des relations infinies qui lui sont propres. »

Plusieurs pages de cette métaphysique, en dehors de toute doctrine, seraient à lire avec profit pour l’élévation remarquable du sentiment, la délicatesse sobre du style, et le genre de religiosité un peu assourdie et forte pourtant — sorte de plain-chant mezza voce — qui s’en dégage. C’est là une note de race et de climat, un signe ethnographique.

Il convient de féliciter les éditeurs Williams and Norgate. L’élégance de l’exécution typographique, la beauté du papier, la commodité du format et de la reliure anglaise, font de ce livre un manuel attrayant de hautes pensées, et marquent une intention assurément fort louable de charmer et de retenir les curieux de métaphysique.

A. Debon.