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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/238

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positivisme nous semble très juste. M. Glay nous paraît cependant l’aggraver inutilement quand il suppose que le positivisme aurait pu se maintenir sur ce que l’auteur appelle avec raison une pente inclinée vers la métaphysique. M. Glay ne voit pas que l’action déductive et la réaction inductive n’ont pu se produire que sous l’influence de la loi de corrélation entre la science et la philosophie, — les déductions et les inductions, les axiomes et les connaissances non garanties par les principes logiques étant tous également des données scientifiques. Il ne voit pas non plus que la réaction inductive ou empirique devait nécessairement être aussi métaphysique, dans un sens général, que l’action déductive ou rationaliste. Ce double mouvement n’est qu’une évolution partielle, enveloppée dans une évolution générale qui a produit l’ancienne philosophie avec ses variétés déductives et inductives et qui produira, quand l’heure en sera venue, le type d’une nouvelle philosophie.

La philosophie positive est un phénomène de réaction contre la métaphysique. Mais c’est précisément pour cela qu’elle est encore une métaphysique, et c’est pour cela qu’elle est destinée à disparaître dès qu’elle aura rempli son but et rendu tous les services dont elle est capable. Comte résume les avantages essentiels de sa doctrine en disant que « l’anthropomorphisme est un expédient si naturel que, même dans l’état le plus avancé de son évolution, l’homme n’a pu y renoncer qu’en se restreignant à la déterminatioi des lois des phénomènes, abstraction faite de leurs causes[1] ». Mais, si enraciné que soit dans notre esprit l’anthropomorphisme, il ne peut prétendre à une durée éternelle. Un jour viendra où cette maladie du bas âge de l’humanité ne sera plus à craindre, et où la grand remède empirique du positivisme, la résolution de borner la spéculation à la simple recherche de la connaissance sans garantie, ne trouvera que des occasions de plus en plus rares d’être appliqué.

II

Passons à notre seconde thèse. Par une inconséquence qui prend sa source dans l’état arriéré des sciences sociales, au lieu d’admettre une action directe de l’ensemble du savoir sur les conceptions du monde, la majorité des philosophes est d’avis qu’une parcelle de ce savoir, la théorie de la connaissance, suffît amplement pour expliquer la marche générale du développement de la philosophie.

  1. Cours, résumé par Rig, II, p. 153.