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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/240

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classe des sceptiques auxquels Hamilton donne le nom de nihilistes ou non-substantialistes. Il est, d’ailleurs, facile de se convaincre que l’inconnaissable est également affirmé par toutes les espèces et sous-espèces hamiltoniennes. Mais si on ne saurait mettre en doute l’importance réelle du rôle joué par ce concept dans les anciennes formes du matérialisme et de l’idéalisme, il est juste de reconnaître que c’est proprement à partir du sensualisme, et surtout de l’idéalisme cosmothétique, que les doctrines agnostiques se sont développées d’une façon particulièrement brillante.

La classification adoptée par M. Renouvier aboutit à des résultats à peu près identiques. Dans son important ouvrage[1] qui, on en a déjà fait la remarque, contient le développement ou la démonstration d’une véritable philosophie de l’histoire de la philosophie, M. Renouvier propose une nouvelle distribution de toute la materia philosophica du passé et du présent. L’histoire de la philosophie ne se résume pas chez lui comme chez Vaihinger[2] en cette brève formule : la lutte pour la conception de la plus haut réalité ; elle ne se concentre pas non plus, comme chez Hamilton en un point unique qui est le problème de l’extériorité de la con science. Pour le criticiste français, elle est une vaste application di principe de l’alternative qui force l’esprit à constamment oscille ; entre la thèse et l’antithèse, dans une série de problèmes ou d’antinomies — pour employer le terme consacré — qui sont toutes également insolubles et qui se rangent sous les six rubriques suivantes : 1o la chose, l’idée ; 2o l’infini, le fini ; 3o l’évolution, la création, 4o la liberté, la nécessité ; 5o le bonheur, le devoir ; 6o l’évidence, la croyance.

Mais, concept de la plus haute réalité, problème de l’extériorité de la conscience, contradictions irritantes auxquelles l’esprit s’opiniâtre depuis des siècles, — nous ne franchissons pas les bornes de la psychologie, nous ne sortons même pas du domaine de la théorie de la connaissance. Rien de plus naturel, dans de telles conditions, que ce trait commun qui caractérise les théories psychologiques et qui consiste en ce que, toutes, elles nient, à proprement parler, l’évolution de la philosophie, du moins au sens qu’attachent à ce mot les biologistes et les sociologistes. Cette négation peut choquer le sentiment scientifique moderne, elle n’a rien cependant qui doive nous étonner. Elle est la conclusion inévitable des principes acceptés par la classe entière des philosophes dont M. Renouvier

  1. Esquisse d’une classification systématique des doctrines philosophiques, 2 vol.  in-8o, Paris.
  2. Voy. Anc. et Nouv. Phil., p. 230 et suiv.