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A. BINET.mouvements des jeunes enfants

il ne perçoit pas, sans en faire l’expérience personnelle, que le feu brûle ou que tel ou tel corps est dangereux à toucher.

III. L’automatisme. — Les recherches de ces dernières années sur l’automatisme et la double conscience nous permettent aujourd’hui de reconnaître dans certains phénomènes qui, pour des observateurs non prévenus, passeraient presque inaperçus, une preuve manifeste de dédoublement mental. Je résumerai en quelques mots ce que j’ai pu observer dans cet ordre d’idées sur les deux petites filles dont j’ai parlé et dont j’ai suivi pas à pas l’évolution intellectuelle.

Le premier fait d’automatisme a été observé sur l’aînée des petites filles pendant les six premiers mois, et je ne l’ai pas retrouvé chez d’autres enfants du même âge. Lorsque cette petite fille avait la main ouverte, il suffisait de gratter légèrement la paume de la main pour que les doigts étendus se fléchissent et la main se fermait ; au contraire, lorsque la main était d’abord fermée, une légère excitation mécanique sur la face dorsale déterminait très rapidement l’extension des doigts. Cette petite expérience réussissait dans les conditions les plus diverses, que l’enfant fût réveillé ou endormi, qu’il fût attentif à ce qui se passait dans sa main ou que son attention fût occupée ailleurs. Ainsi que je viens de le dire, je n’ai pas pu retrouver ce phénomène musculaire chez d’autres enfants, et n’ai réussi à provoquer chez eux que des mouvements généraux de défense, sans caractère précisable. Quoi qu’il en soit, ces réactions de la main déterminées par des excitations mécaniques en dehors de la volonté de l’enfant peuvent nous donner un premier exemple, rare à la vérité, des mouvements automatiques dans le jeune âge.

Un second exemple d’automatisme est la faculté avec laquelle on peut provoquer chez un petit enfant, pendant qu’il est distrait, des mouvements coordonnés dont il n’a pas conscience. C’est ce que je voyais maintes fois chez plusieurs petites filles. En voici un exemple pris entre plusieurs. Une petite fille de huit mois regarde attentivement une dame qui lui fait des sourires : sa main est ouverte et en pronation. On glisse dans la paume de la main un petit objet, une clef, une règle, etc. L’enfant, occupé ailleurs, ne paraît s’apercevoir de rien, mais ses petits doigts se replient autour de l’objet ; ils se serrent et tiennent l’objet suspendu pendant un certain temps, quelquefois pendant plusieurs minutes ; puis la main s’ouvre lentement ou brusquement, et l’objet tombe par terre, sans que parfois l’enfant se soit douté de rien.

Enfin, l’automatisme peut s’exprimer non seulement par des mouvements d’une nature particulière, mais par la conservation involon-