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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/322

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dans l’appréciation de l’énergie de la contraction, ou force avec laquelle le muscle se contracte, diverses sensations, celles surtout qui accompagnent les mouvements respiratoires, jouent le plus grand rôle. Or, si on se reporte aux expériences que j’ai faites avec M. Marillier sur ce sujet[1], on verra que toute notion de résistance et toute appréciation de poids disparaissent, quand la sensibilité cutanée et la sensibilité profonde (musculaire par suite) sont complètement abolies. — À ce propos, je ferai observer que je n’ai jamais soutenu une opinion que M. Beaunis, d’ordinaire si bien informé, m’attribue (p. 81) : je n’ai jamais prétendu que la perte de la sensibilité cutanée entraînât celle de la sensibilité musculaire ; j’ai au contraire soigneusement distingué, dans mon article sur le sens musculaire, publié dans la Revue du mois de décembre 1885, entre les sensations cutanées et les sensations provenant des muscles et transmises par les nerfs sensitifs des muscles, sensations d’origine bien distincte, mais de même nature, que toutes les autres.

D’autre part, M. Beaunis est encore obligé de ramener la notion de la situation de notre corps dans l’espace à un ensemble de sensations afférentes. « Le sens de l’équilibre, dit-il, si on veut l’appeler ainsi, est basé sur la notion que nous avons, grâce aux sensations musculaires, tactiles, visuelles, auditives, de la situation de notre corps et de la situation des objets extérieurs et des relations qui existent entre les deux » (p. 74).

Aussi M. Beaunis est-il amené à dire que l’opinion de A. Bain, d’après lequel nous n’avons pas seulement la notion du mouvement exécuté, mais celle du mouvement voulu, la sensation de contraction étant liée directement à l’innervation motrice, — est trop absolue. Il admet néanmoins l’existence, indépendamment de toute sensation afférente, d’un sentiment d’innervation centrale. « Dans le mouvement voulu… il s’ajoute un élément nouveau, et cet élément nouveau est précisément cette conscience de l’effort central qui correspond au mouvement que nous avons l’intention d’exécuter » (p. 112). Et M. Beaunis montre qu’il n’y a pas là d’impossibilité ni de contradiction physiologiques. « Il semblerait logique de diviser en deux catégories les processus nerveux, processus de transmission dont nous n’avons pas conscience et qui ne donnent lieu à aucune sensation, et processus d’excitation des cellules nerveuses dont nous avons conscience et qui donnent lieu à une sensation… Il n’y a a priori aucune difficulté d’admettre que la modification qui se passe dans la cellule motrice est accompagnée d’un état de conscience particulier, état de conscience qui correspondrait au degré d’activité déployée par cette cellule et transmis à l’organe moteur » (pp. 113-114). Il est certain que, réduite à ces termes et ainsi comprise, l’idée de sens musculaire est parfaitement admissible, — à condition,

  1. Revue philosophique, avril 1887, et Bull, de la Soc. de psychol. physiol., 1887, p. 24.