sortes, voilà des éléments qualitatifs dont aucun mécanisme brut ne peut rendre entièrement compte. En un mot c’est le matériel qui donne à la réalité une quantité, mais c’est le mental qui lui donne une qualité. Pour bien connaître la nature, il faut la voir non dans le repos et l’inertie de la quantité, mais dans le mouvement de la qualité aux mille formes changeantes ; il faut la voir emportée dans la courbe infinie de son évolution : alors apparaît toute la variété sensible de la nature, comme sur le plumage des oiseaux les éblouissantes couleurs que cachait leur aile repliée éclatent aux yeux quand ils s’envolent. La conscience, loin d’être en dehors de la réalité, est l’immédiate présence de la réalité à elle-même et le déroulement intérieur de ses richesses.
II. — L’activité mentale.
En résumé, la question qui domine toute la psychologie et même toute la philosophie, c’est de savoir s’il y a un degré quelconque d’activité ou de force qui appartienne aux faits mentaux, et qui leur donne un rôle actif dans l’évolution.
La doctrine de Spencer, sur ce point, offre des variations et même des contradictions. Tantôt il dit : « Ce qui existe dans la conscience sous forme de sentiment est transformable en un équivalent de motion mécanique, et par conséquent en des équivalents de toutes les autres forces que la matière manifeste[1]. » Tantôt, au contraire, il ne renferme point le sentiment dans la liste des forces mutuellement équivalentes et transformables ; les actions musculaires ou autres d’un organisme sont toutes, dit-il, des chaînes d’action mécanique qui se développent sans aucune « interférence » possible du sentiment. Bain, avec cette prudence dont il a l’habitude de ne se départir que par exception, déclare la question aussi insoluble qu’elle est intéressante. Il formule d’ailleurs le problème en termes frappants. Il y a, sous toute série de faits mentaux, une série d’actions physiques, avec dépense ou transport de force motrice ; et ces
- ↑ Et encore : — « Les modes de l’Inconnaissable que nous appelons mouvement, chaleur, lumière, affinité chimique, etc., sont transformables les uns dans les autres, et dans ces modes de l’Inconnaissable que nous distinguons sous les noms d’émotion, de sensation, de pensée ; celles-ci à leur tour peuvent, par une transformation inverse, reprendre leurs premières formes. Aucune idée, aucun sentiment ne, se manifeste que comme résultat d’une force physique qui se dépense pour le produire : tel est le principe qui ne tardera pas à devenir un lieu commun scientifique ; tous ceux qui savent apprécier l’évidence verront qu’une seule cause peut encore en expliquer le rejet, c’est l’entraînement irrésistible d’une théorie préconçue. » (Principes, p. 232, traduction française.)