de conduite plus vicieuses encore ; la faute en est à la société, qui m’environne, mauvaise nourrice dont j’ai sucé le lait et les idées vénéneuses. (Georges Renard.) Dans ma carrière judiciaire, j’ai jugé bien des voleurs, mais jamais aucun d’eux ne s’est défendu en disant : « Je suis plus à plaindre qu’à blâmer : mes parents, après une vie de labeur et d’économie, ne m’ont transmis qu’un petit patrimoine insuffisant pour satisfaire mes goûts de luxe et de plaisir. Ce petit patrimoine bientôt dissipé, je n’ai pu me résigner au travail, ma nature y répugne, la soif de l’or s’est emparée de moi ; passant devant la vitrine d’un changeur, j’ai été ébloui par la vue des piles de pièces d’or et j’ai brisé la glace pour m’en emparer ; j’ai été victime de mes besoins et d’une organisation cérébrale défectueuse.
« Où est le libre arbitre de celui qui, agissant sous le coup de la nécessité ou dominé par le sentiment irrésistible de la conservation, vole, pille et assassine ? » (Force et matière, par Buchner, p. 499) On sait combien les avocats ont l’esprit inventif, l’imagination féconde en défenses ingénieuses, spirituelles. Cependant, malgré le grand succès que la théorie de M. Lombroso a obtenu un instant auprès de ceux qui n’ont pas fait une étude personnelle des criminels, on n’a pas encore entendu devant une, cour d’assises un avocat présentant dans les termes suivants la défense d’un accusé qui a tué son ami pour épouser sa veuve : « Ce crime est un fait d’atavisme, l’accusé est venu au monde avec une absence complète de sens moral ; par suite d’une anomalie psychique, il est dépourvu de tout sentiment de pitié et n’éprouve aucune répugnance à supprimer ceux qui le gênent ; un tempérament ardent, qu’il tient de ses ancêtres préhistoriques, l’a porté à convoiter la femme de son ami et à tuer celui-ci pour la rendre veuve, sous l’empire d’une impulsion irrésistible ; par suite d’un phénomène d’atavisme, les instincts féroces et lubriques de ses premiers ancêtres, contemporains du mammouth, ont reparu en lui et fait de lui un représentant de l’humanité primitive : c’est un orang-outang à face humaine, une victime de la fatalité physiologique. » Si une semblable défense était présentée par un avocat, s’inspirant des théories de M. Lombroso, l’accusé serait le premier à en sourire. Les criminels, en effet, se sentent responsables, ils croient à leur libre arbitre ; ils se savent méprisables ; ils acceptent la peine avec résignation et comprennent qu’elle est méritée. Quelques-uns même se dénoncent à la justice, pour expier leur crime. Enfin il n’est pas rare d’observer en eux un repentir sincère de leurs fautes. Ces conclusions résultent pour moi, avec l’évidence la plus complète, de nombreuses observations personnelles.