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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIX.djvu/403

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L. PROAL.responsabilité morale des criminels

mère pour lui dire que, « ne pouvant plus supporter la tache dont il avait sali l’honorabilité de sa famille, il se décidait à mourir ». Il avait aussi écrit au commissaire de police pour l’informer du crime qu’il avait commis à Marseille et que la justice ignorait encore. « Je mets fin à ma vie, disait-il, pour laver si c’est possible une tache dont je me suis rendu coupable et qui empoisonnerait toute ma vie. » Dans l’instruction, il dit que « lorsqu’il s’était éloigné de Marseille après le crime, il avait été saisi de violents remords, que le désespoir s’était emparé de lui et qu’il s’était décidé au suicide pour échapper aux souffrances morales qu’il endurait ». Ces cas de suicide déterminés par les remords sont tellement certains que M. le Dr Despine et M. Ferri eux-mêmes en reconnaissent la réalité. (De la Folie au point de vue philosophique, p. 598. Actes du Congrès de Rome, p. 125.)

Le remords n’est donc pas une invention des poètes et des romanciers, puisqu’il peut conduire le criminel jusqu’au suicide. La Mettrie lui-même reconnaît que « nous avons des remords, qu’un sentiment intime ne nous force que trop d’en convenir » ; il trouve même que les criminels sont assez punis par leurs remords. (L’Homme machine, p. 53, 59.) Ne pouvant concilier l’existence du remords avec sa théorie qui nie le libre arbitre, tantôt il reproche à la Nature de n’avoir pas délivré du remords « des malheureux entraînés par une fatale nécessité », tantôt pour enlever au remords son caractère moral il prétend « qu’il est aussi éprouvé par les animaux ». (Ibid., p. 53, 59.) « Le chien, dit-il, qui a mordu son maître qui l’agaçait, a paru s’en repentir le moment suivant ; on l’a vu triste, fâché, n’osant se montrer, et s’avouer coupable par un air rampant et humilié. Un animal doux, pacifique, qui vit avec d’autres animaux semblables, et d’aliments doux (sic), sera ennemi du sang et du carnage ; il rougira intérieurement de l’avoir versé avec cette différence peut-être que, comme chez eux tout est immolé aux besoins, aux plaisirs et aux commodités de la vie, dont ils jouissent plus que nous, leurs remords ne semblent pas devoir être si vifs que les nôtres, parce que nous ne sommes pas dans la même nécessité qu’eux (p. 55). » M. E. Ferri croit aussi, comme La Mettrie, avoir observé chez les animaux des marques de repentir. Mais ces prétendus actes de repentir, l’attitude humble et rampante du chien qui a mordu son maître, son air triste et fâché ne sont, en réalité, que l’expression de la peur du châtiment. Le chien qui a été corrigé se souvient de la correction reçue et en craint le retour, lorsqu’il fait une sottise. Je doute aussi que l’animal « rougisse intérieurement » du sang qu’il a versé. Le remords implique non seulement le sentiment de la responsabilité morale, mais