ments de l’Enfer… Je viens déclarer à Votre Majesté et lui livrer le coupable. Je suis tout à la fois l’accusateur, le témoin, le criminel. Eh ! que me manque-t-il, si ce n’est la condamnation que je supplie Votre Majesté de prononcer… » Le président termine en développant les motifs qui ne doivent point faire craindre au roi de Portugal (n de blesser le droit des nations, en punissant dans ses États le sujet d’une autre monarchie… Ce n’est pas comme Français, dit-il, que je suis coupable, ce n’est pas la nation française que j’ai offensée ; c’est comme homme, c’est à l’humanité entière que je suis comptable de mon crime… »
Le remords est donc un fait certain, indiscutable, qui prouve que le criminel croit à sa propre responsabilité. Si les criminels ne sont pas plus responsables de leurs crimes que de la couleur de leurs yeux, comment donc expliquer qu’ils se sentent coupables, qu’ils acceptent la peine, qu’ils la trouvent juste, méritée ? M. Lévy-Bruhl a tenté une explication de ce fait, en disant que le criminel peut se croire responsable, parce qu’il sait qu’il a violé la loi positive et que par suite il a encouru le châtiment réservé à cette violation. Mais, dans le sentiment qu’il a de sa responsabilité, il y a autre chose que le sentiment d’une responsabilité légale encourue. Le criminel ne se sent pas seulement responsable au regard de la loi positive, mais aussi au regard de la loi morale ; il ne subit pas seulement la peine comme une nécessité sociale ; il la désire quelquefois et l’appelle par ses aveux et sa propre dénonciation ; enfin il sent qu’il est devenuméprisable par sa propre faute, qu’il a perdu l’affection et l’estime de ses amis, de ses parents. Écoutez cette lettre écrite par un prévenu à ses parents : « Mes chers parents, depuis longtemps je ne suis plus votre fils que par le nom et les liens du sang. J’ai perdu votre affection en perdant votre estime. Ce châtiment, je l’ai mérité. Ce n’est donc pas pour essayer de me disculper ou implorer votre pardon, que je n’ai pas encore mérité, que je vous écris… » Peignant ensuite la situation de ceux qui, comme lui, après avoir reculé avec horreur devant le crime, s’accoutument à cette pensée, sous l’empire d’une passion ou des vices qu’ils ont volontairement contractés, il ajoute : « À qui la faute ? dira-t-on, à la société, à leur famille ? non, non. Ils sont seuls coupables, car ils n’ont pas lutté avec sincérité. » (Souvenirs de l’abbé Rozes, t. II, p. 84.) N’est-il pas vraiment intéressant de voir le déterminisme ainsi combattu sous tous ses aspects par les crirtiinels eux-mêmes ? S’il est une classe de lecteurs où la théorie commode du déterminisme devrait être accueillie avec empressement, avec reconnaissance, c’est assurément la catégorie des prévenus et des accusés. Or, pas un seul jusqu’ici n’a osé s’appro-