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analyses. — j. thomas. Principes de philosophie morale.

pourra, l’instant suivant, détruire[1]. » J’imagine qu’Épicure et Lucrèce auraient pu répliquer à peu près de cette manière : en admettant qu’il n’y a pas dans le domaine de l’expérience d’infini actuel, c’est assez de l’infinité, en puissance, des combinaisons concevables, et s’il n’y a pas de raison pour que, dans cette suite de cas innombrables, il y en ait un qui soit conforme aux lois de la convenance et de l’ordre, il n’y a pas de raison non plus pour qu’un pareil cas ne s’y rencontre pas, et nous n’aurons pas à dire pourquoi il s’y trouve ; c’est assez de le constater a tergo. Si enfin cet ordre n’est qu’un fait, c’est un fait aussi qu’un autre fait ne Ta pas détruit l’instant suivant. À le bien prendre, Épicure a moins cherché, il me semble, à construire avec ses atomes un monde de toutes pièces, qu’à rendre compte du monde actuel, ou, pour mieux dire, je vois dans sa théorie plutôt une simple constatation qu’une explication de la réalité. Ce philosophe, si préoccupé de la mesure, a proclamé, en attribuant au hasard ce qui est, la vanité des questions d’origine ; il a voulu en débarrasser la morale, comme du souci des fins dernières et de tous les calculs d’intérêt que la grossière conception de ces fins suscite dans les âmes vulgaires. Peut-être, en allant au fond des choses, à voir le peu de progrès qu’on a fait dans l’étude des questions d’origine et la variété des solutions relativement aux questions de fins, en viendrait-on à penser que le fidèle disciple d’Épicure, savant au sens propre du mot et assez sûr de sa vertu pour ne pas s’inquiéter des problèmes d’outre-tombe, honorant d’ailleurs les dieux, mais simplement comme des modèles à imiter, n’était pas un caractère méprisable, et méritait vraiment le nom de sage. Toutefois, il est plus facile de se proposer une doctrine ainsi mesurée que de s’y tenir : on ne change pas la nature humaine.

A. Penjon.

Jules Thomas. Principes de philosophie morale. 1 vol.  in-8o, 364 p. ; F. Alcan.

M. Thomas s’est proposé, pour objet principal, de répondre au programme de philosophie morale pour la sixième année de l’enseignement spécial. Pour le faire avec succès, il fallait être bien informé, savoir s’adapter aux exigences d’une classé particulière de lecteurs et avoir une doctrine. Or l’auteur s’est visiblement efforcé, non sans résultat, de satisfaire à ces trois conditions de l’œuvre qu’il entreprenait.

Nous ne voyons pas grand’chose à ajouter aux informations qu’il donne. On sent partout qu’il est au courant des polémiques contemporaines et il suffit de lire son premier chapitre sur la famille pour voir que les travaux des sociologistes ne lui sont pas étrangers. Peut-être

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