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h. lachelier. — la métaphysique de m. wundt

système doit être, et est en effet, consacrée à la théoriegénérale de la pensée scientifique et de la science. Le premier livre de l’ouvrage a pour objet la pensée (Denken) ; le second la connaissance (Erkenntniss) ; le troisième traite des concepts généraux au moyen desquels l’entendement fonde la science (Verstandeshegrijfe) ; le quatrième enfin aborde les problèmes transcendants[1] : il est consacré à l’examen des idées (transcendente Ideen) que la raison forme pour comprendre l’ensemble des choses : idées cosmologiques, idées psychologiques, idées ontologiques. Les deux derniers livres sont deux ébauches, l’un d’une philosophie de la nature et l’autre d’une philosophie de l’esprit (Hauptpunkte der Naturphilosophie et Grundzüge der Philosophie des Geistes).

Sans suivre pas à pas M. Wundt (son livre, à cause de son étendue, à cause du nombre et de l’importance des problèmes qu’il y aborde, ne se prête guère à une analyse détaillée et suivie), nous essayerons d’en dégager les idées dominantes, les idées métaphysiques surtout. Nous résumerons d’abord dans ses grandes lignes la doctrine de la pensée et de la science : nous aborderons ensuite dans une seconde étude la métaphysique proprement dite.

I. — La Pensée.

M. Wundt reconnaît dans notre esprit deux facteurs qui, dans la réalité, ne sont jamais séparés, que l’expérience immédiate trouve toujours unis dans la moindre représentation, mais que l’abstraction distingue facilement : les représentations associées, d’un côté, et de l’autre la pensée. La pensée est une activité subjective, consciente d’elle-même, capable de s’opposer aux matériaux sensibles que l’association tient à sa disposition et de les élaborer. Cette élaboration consiste essentiellement, nous le savons déjà[2], dans l’aperception de certains rapports qui trouvent leur expression à la fois dans le jugement et dans le concept : car le jugement et le concept résultent tous les deux d’un même acte, à savoir de l’acte par lequel notre pensée ou bien sépare les éléments combinés dans une même représentation et les oppose les uns aux autres, ou bien encore rapproche et compare deux représentations différentes. Le pouvoir de saisir

  1. M. Wundt ne prend pas ce mot dans le même sens que Kant, puisqu’il renonce à toute supposition de choses en soi radicalement distinctes des phénomènes.
  2. Voir Revue philosophique, n° de juillet 1880.