plus ou moins grande de forces disponibles : ils ne sont pas identiques les uns aux autres et l’hérédité les a profondément spécifiés. Chacun a son individualité propre et réagit d’une façon particulière. La réaction de l’un en présence d’un excitant diffère de la réaction d’un autre en présence du même excitant. Cette force de réaction dont nous avons d’abord parlé comme d’une force vague et indéterminée, prend des directions précises, se canalise en quelque sorte d’une façon durable et donne naissance à des tendances fondamentales qui se traduiront désormais par des groupes de mouvements appropriés et d’un caractère spécial.
Un animal ne pouvant réagir qu’au moyen de ses muscles, une impression externe produira nécessairement une action musculaire spéciale et adaptée aux causes extérieures de l’impression, ou bien elle manquerait totalement son effet.
Nous avons vu que dans la sensation envisagée comme un tout psycho-physiologique, cette liaison entre l’impression et telle réponse musculaire a seule de l’importance, et que l’apparition de la conscience n’est qu’un fait secondaire.
Mais un acte musculaire rapide et intense implique comme condition antécédente ou tout au moins concomitante, une activité plus grande dans la circulation, sans quoi l’effort épuiserait rapidement les muscles et sa prolongation serait impossible. Pas de surcroît de travail sans un surcroît dans l’énergie de l’alimentation.
D’autre part si le sang était insuffisamment oxygéné, la rapidité de la circulation ne servirait à rien : celle-ci doit donc entraîner une surélévation correspondante dans le rythme respiratoire et dans la profondeur des inspirations. Le travail éliminatoire des produits de désassimilation doit être activé : ce qui revient à dire que les fonctions de nutrition dans leur totalité doivent être énergiquement stimulées.
On s’explique maintenant avec facilité que l’impression externe doive être un avertissement destiné à mettre aussitôt l’organisme en état de défense : la sensation, par suite, est liée non à la connaissance, mais à la défense. Elle ne nous donne rien du monde extérieur ; elle est l’expression dans l’unité de la conscience de ce qu’on appelle les effets de l’impression : effets très étendus puisqu’ils sont la réaction complexe et solidaire que provoque la mise en état de défense de l’organisme. Par suite la sensation est purement individuelle ; elle n’exprime que moi-même ; elle est proprement l’élément inné, subjectif, irréductible de la connaissance. Et notre connaissance ne peut-être qu’un symbolisme, car lors même qu’elle paraît pénétrer au plus profond du monde extérieur, elle n’exprime encore que nous-mêmes.