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parce que les unités de volonté tendent à s’adapter les unes aux autres et à former des touts de plus en plus compréhensifs, que nous constatons dans le monde physique et surtout dans le monde vivant, cette plasticité de la matière, cette disposition des atomes et des molécules à se grouper, à se solidariser, à former des organismes vivants. Cette finalité universelle, dont la cause doit être cherchée dans la volonté, n’est peut-être pas inconciliable avec l’hypothèse de la conservation de la force. Il est fort possible, comme le croyait Leibniz, que, si l’on pouvait saisir tout le détail des phénomènes qui s’accomplissent dans un corps qui se développe, on ne verrait jamais les effets contenir plus que les causes ; il n’en est pas moins vrai que de l’ensemble de ces phénomènes sort un ordre, une harmonie qui est quelque chose de plus que la simple réunion des phénomènes. Sans déroger au principe de la conservation de la force, l’art humain crée des machines de plus en plus parfaites et la machine la plus parfaite n’est pas celle qui dépense la plus grande somme de force. De même la nature peut, sans aucune création de force, donner naissance à des organismes de plus en plus élevés ; et cette perfection toujours plus grande des organismes manifeste dans la nature physique une des lois fondamentales de l’esprit, la loi de l’énergie toujours croissante. (Princip wachsender geistiger Energie.)

Il y a entre le système de M. Wundt et le système leibnizien des monades une évidente analogie. Les unités de volonté, comme les monades, sont des réalités immatérielles qui correspondent à ce que la science se représente ou conçoit sous la forme de points matériels. Comme les monades, les unités de M. Wundt réagissent les unes sur les autres et expriment chacune par un système de représentations les actions qu’exercent sur elles les autres unités[1]. Enfin les unités de volonté, comme les monades, se groupent et forment des organismes de plus en plus complexes. M. Wundt ne pense pas toutefois que le terme de monade convienne pour désigner les êtres simples par lesquels il explique l’univers. Les monades, en effet, non seulement chez Leibniz, mais chez les métaphysiciens qui s’inspirent de Leibniz, chez Herbart, chez Lotze, sont des substances, substances actives, il est vrai, mais dont l’activité est un simple attribut. Or l’opinion bien des fois exprimée de M. Wundt sur ce point, est que cet attribut prétendu est l’essence même de l’être. Mais l’être alors perd les caractères qui sont considérés par tous les métaphysiciens, comme appartenant en propre à la substance, et tout d’abord

  1. Seulement ces actions sont réelles chez M. Wundt et non idéales comme chez Leibniz.