Quand on opère ainsi, elle est privée de son point de repère et ne distingue plus son côté droit de son côté gauche. Au premier abord, je crus à une sorte de transfert, car elle levait régulièrement son bras gauche à la place de son bras droit et réciproquement ; mais en l’examinant mieux et plus souvent, je me suis convaincu qu’elle n’avait pas de préférence et remuait les mains parfaitement au hasard. D’ailleurs les renseignements que j’ai recueillis confirment cette remarque. Voici plusieurs années qu’elle ne distingue plus le côté droit du côté gauche et qu’elle commet à ce propos de singulières bévues qui ont été remarquées par beaucoup de personnes. Il paraît même qu’elle se désolait autrefois et se mettait à pleurer quand on lui indiquait un chemin par ces mots : « Tournez à droite, ouvrez la porte à gauche », car elle n’en comprenait plus le sens et se perdait complètement. Aujourd’hui elle est un peu plus adroite et se tire d’affaire au moyen de quelques procédés dont nous avons eu un exemple. Elle suit en cela la pratique habituelle des hystériques, qui savent masquer leurs diverses anesthésies et les corriger par d’autres sensations ou d’autres images.
Tel est le phénomène décrit sommairement : pour le mieux comprendre, il faut entrer un peu plus dans l’analyse psychologique de cette personne, et il est nécessaire, je crois, de distinguer plusieurs états dans lesquels elle peut passer.
Notons d’abord un premier état, très fréquent chez elle malheureusement, dans lequel elle n’a absolument aucune sensibilité tactile ni musculaire sur aucun point du corps. Il n’y a pas lieu de parler de localisation. Les mouvements qui sont conservés présentent des caractères maintenant bien connus. Ils sont exécutés au moyen des images visuelles et non au moyen des images musculaires, le sujet les accomplit quand il regarde ses membres ou bien, s’il a les yeux fermés, quand il conserve le souvenir visuel de la position initiale de ses membres avant de commencer le mouvement. Quand ces deux conditions ne sont pas remplies, les membres sont paralysés, gardent les attitudes cataleptiques on se meuvent inconsciemment. Il n’y a pas lieu de revenir ici sur cette étude.
Dans un second état, quand le sujet se porte un peu mieux, la sensibilité semble revenir en partie. Il y aurait ici des études intéressantes à faire sur cette restauration graduelle de la sensibilité ; mais elles sont bien délicates, car il suffit de la plus légère chose pour diriger l’attention du sujet vers telle ou telle sensation et la faire réapparaître avant les autres. Cependant, si je ne me trompe, la sensibilité semble réapparaître dans cet état sous la forme vague de douleur, de gêne sans autre signe distinctif. Les sensations sont tout à fait indistinctes et vagues ; le chaud, le froid, le pincement, le frôlement de la peau, un objet mis dans les mains, tout cela provoque seulement une sensation vague de quelque chose de pénible, sans que le sujet sache ce que c’est. En tous cas il est certain qu’il n’y a à ce moment aucune localisation ; le sujet ne sachant absolument pas où on le pique, où on le touche.