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intelligent dans une sphère et l’est moins dans une autre ; un esprit logique est celui chez lequel ne coexistent que des systèmes en harmonie entre eux. L’homme illogique est, au contraire, celui dont les différentes idées sont discordantes ; chaque système pris en soi est intelligent, l’ensemble ne l’est pas. Il n’y a donc pas d’intelligence, mais des intelligences ; il ne faut pas y voir une faculté, mais la loi suivant laquelle se coordonnent certains groupes de faits et d’idées. Il y a de même pluralité de volontés ; le mode de vouloir d’un individu peut varier suivant les circonstances, de sorte qu’en dernière analyse, il n’y a pas de facultés existant à part des phénomènes psychologiques et les réglant ; chacun d’eux est un tout complet et, suivant que l’on considère son activité à un point de vue ou à un autre, on l’appelle mémoire, intelligence ou volonté. Comme, du reste, les systèmes ne sont pas toujours en conflit et peuvent se réunir dans un système supérieur dont ils sont les éléments, il y a des individus qui ont, d’une manière générale, une bonne intelligence, d’autres une bonne mémoire. Ce qui fait aussi la plus ou moins grande unité du moi, c’est la coordination plus ou moins grande qui réunit les éléments psychiques, leur aptitude à faire tous partie d’une synthèse supérieure.

C’est encore cette coordination qui favorise le mieux l’activité des systèmes plus un composé est fortement organisé, plus les liens qui en unissent les éléments sont étroits, plus est considérable le nombre des systèmes dans lesquels il peut, à son tour, entrer comme élément, et plus aussi il a des chances de survivre. C’est pour cela que l’intensité, la répétition, la persistance des phénomènes rendent leur existence plus durable en favorisant les occasions de lutte et de sélection et, par suite, l’organisation.

Nous avons constaté jusqu’ici que tout élément psychique possède une activité propre et partiellement indépendante de celle des autres. Il reste à les considérer non plus comme éléments, mais comme composés, à étudier comment les phénomènes s’associent et s’inhibent pour donner naissance aux diverses formes de la vie mentale, depuis les plus basses jusqu’aux plus élevées.

La formule générale qui résume les propriétés des éléments de l’esprit est la loi d’association systématique : un fait psychique tend à s’associer et à susciter les éléments qui peuvent s’unir avec lui pour une fin commune. De même que la sensation est une synthèse systématique d’éléments inconscients, de vibrations, par exemple, comme les sons, ou d’harmoniques comme les voyelles, de même la perception est une synthèse de sensations et d’images. C’est l’esprit tout entier qui perçoit ; l’impression extérieure, comme on l’a bien souvent remarqué, n’a qu’une importance relativement faible dans l’acte total de la perception. Toutes les tendances qui subsistent en nous à l’état latent ou à l’état d’activité faible choisissent dans les données des sens tout ce qu’elles peuvent prendre et s’assimiler ; la perception est la synthèse de la sensation avec tous ceux des éléments préexistants qui