Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
g. lechalas. — la géométrie générale

mêmes, les seuls du reste que nous ayons étudiés à la suite de M. Calinon. Nous reviendrons sur ce point.

Sauf erreur, M. Renouvier ne parle pas de l’impossibilité pour deux droites d’enfermer un espace. C’est cette proposition qui serait une pure tautologie, si l’on définissait absolument la droite par la propriété d’être déterminée d’une façon unique par deux points ; mais, si l’on ne veut pas exclure la géométrie de Riemann, il faut admettre qu’il n’en est ainsi qu’en général, pour des points quelconques, mais non pour des points choisis d’une façon spéciale, et alors deux droites peuvent enfermer un espace.

Par contre, il met en avant un postulat de la rotation qui n’est pas distinct, comme il le reconnaît implicitement lui-même, de celui des parallèles et d’après lequel un « contour polygonal convexe, en se fermant, termine une révolution dont la quantité angulaire est de quatre droits ». Si nous nous arrêtons sur ce prétendu postulat, c’est pour faire remarquer combien il constituerait une intuition pénétrante, et par suite combien il s’impose peu à l’esprit avec l’autorité d’un axiome : qui, en effet, s’il n’était prévenu qu’il ne faut pas lui donner cette extension, ne serait tenté de l’appliquer aussi bien à un contour polygonal sphérique qu’à un contour plan ? Nous n’oserions affirmer que quelque lecteur ingénu de M. Renouvier, qui n’a pas restreint explicitement son postulat au plan, ne lui ait donné une adhésion dépassant les bornes que lui impose la géométrie euclidienne : il est bon d’être prévenu, quand on se lance dans cette voie, si l’on tient à ne formuler aucun jugement prétendu synthétique a priori qui ne saurait aboutir qu’à, une belle contradiction. M. Renouvier disait qu’il n’est pas facile de tomber dans une contradiction quand on raisonne juste : cela est impossible si les bases du raisonnement n’en contiennent pas ; mais qu’on accepte à la fois le postulat des parallèles et celui de la rotation en l’étendant à la sphère, et l’on verra ce qui arrivera : la somme des angles d’un triangle sphérique sera à fois égale et supérieure à deux droits.

Le lecteur aura sans doute trouvé aride et fastidieuse cette discussion sur les divers postulats : elle nous était imposée par la façon dont la question est posée par M. Renouvier et ses disciples. Pour nous, il nous paraît bien plus philosophique de tout ramener, avec M. Delbœuf[1], au postulat de l’homogénéité de l’espace, postulat d’après lequel une figure peut toujours être majorée ou minorée sans que sa forme soit changée[2] ; l’existence de figures semblables

  1. Prolégomènes philosophiques de la géométrie.
  2. Depuis que cet article a été écrit, M. l’abbé de Broglie a publié, dans les Annales de philosophie chrétienne d’avril 1890, un article de grande valeur où il se