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revue des périodiques russes

personnelle », mais de la « volonté du monde », comme quelque chose d’imposé à nous du dehors comme par une volonté étrangère ; « ainsi les personnes religieuses attribuent la présence de ces inclinations en elles à une force étrangère, au « mauvais esprit ». Au contraire, les inclinations supérieures idéales se présentent à notre esprit comme nous appartenant « en propre, réellement, à nous seuls », comme faisant partie de ce « moi », dont nous disons qu’il est soumis dans son action à de véritables lois psychologiques (et non psycho-physiques), logiques, morales et esthétiques (et non physiques, chimiques et physiologiques). Les inclinations sensibles ne peuvent se changer en désirs ou en actes définitifs de notre volonté qu’à la condition du « non agir » de notre « moi » réel ou volonté pure. Si elles sont refrénées et paralysées par les inclinations idéales, c’est en vertu de l’action ou manifestation de notre volonté pure.

Toute la question du libre arbitre se ramène donc à la question de la liberté de « l’action » ou du « non-agir » de notre volonté. Or, pour M. Grote, la volonté est, par sa nature, libre de toute limitation et de tout lieu ; « laquelle se manifeste dans sa forme pure, elle doit et elle ne peut pas ne pas être libre ;… elle est libre d’agir, c’est-à-dire de commencer ou de ne pas commencer l’action ».

Reste une difficulté très importante. Cette volonté, qui possède le pouvoir d’agir, est-elle en état de triompher des volontés étrangères qui lui résistent ? Oui ! à un certain degré de développement de notre « moi » supérieur, à un certain âge, avec une organisation physique normale. Dans de telles conditions, la liberté existe, et par suite la responsabilité morale ; celles-là manquent-elles, la liberté et la responsabilité font aussi défaut.

Une dernière question est inévitable dans un tel ordre de considérations : Quel rôle joue la volonté de Dieu dans la distribution de la volonté et de la liberté dans l’homme ? M. Grote est d’avis qu’on pourrait concilier dans une telle étude les théories de la prédestination et de la grâce avec la reconnaissance du fait du libre arbitre dans les personnalités humaines d’un certain développement.

Nous n’avons pu qu’indiquer les points principaux de cette étude systématique et très déliée, en omettant bien des détours de cette analyse. M. Grote a cherché à construire par une voie logique les éléments d’une nouvelle métaphysique et à présenter un essai d’une complète réforme du principe de causalité. Le principe qu’il a découvert au terme de son analyse, c’est la volonté, prenant conscience d’elle-même en se réalisant spontanément, précédemment à l’expérience externe. Nous n’avons pu indiquer que très sommairement la critique que M. Grote fait de la philosophie de Schopenhauer. Il est apparent que ce système, qui puise ses racines dans la philosophie d’Aristote et de Leibniz, et offre des points de comparaison avec celle de Maine de Biran et de M. Ravaisson, par exemple, parmi les philosophes actuels, peut être formulé par l’expression de monisme spiritualiste.