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A. LALANDE.remarques sur le principe de causalité

de Biran qui fait de l’idée de cause, et même d’effîcace, au sens de Malebranche, le fondement essentiel de son système. Dans les doctrines empiristes placées à l’autre extrémité de la scène philosophique la notion de cause est sans doute plus réduite. Stuart Mill oppose expressément la causalité physique (succession constante de deux phénomènes) à la causalité qu’il nomme efficiente et qui n’est autre que l’efficace dont nous parlions tout à l’heure. Mais il n’en croit pas moins fermement à l’existence réelle dans la nature de cette causalité ainsi dépouillée de tout caractère métaphysique. Il ne pense pas qu’on puisse élever le moindre doute sur la valeur et le sens de la loi générale qui énonce que tout phénomène est le produit d’un autre. « Il y a, dit-il, entre les phénomènes qui existent à un moment et les phénomènes qui existent le moment d’après un ordre de succession invariable ; et comme nous le disions à propos de l’uniformité générale de la nature, cette toile est faite de fils séparés. Cet ordre collectif se compose de successions particulières existant constamment dans les parties séparées. Certains faits succèdent et, croyons-nous, succéderont toujours à d’autres faits. L’antécédent invariable est appelé la cause, l’invariable conséquent est appelé l’effet ; et l’universalité de la loi de causation consiste en ce que chaque conséquent est lié de cette manière avec quelque antécédent ou quelque groupe d’antécédents particuliers. Quel que soit un fait, s’il a commencé d’exister, il a été précédé d’un autre fait auquel il est invariablement lié. Il existe pour chaque événement une combinaison d’objets ou de faits, une réunion de circonstances données positives ou négatives dont l’arrivée est toujours suivie de l’arrivée du phénomène[1]. »

Cette idée de causalité est celle dont nous usons tous les jours dans la vie, et qui sans conteste nous y est fort utile. À tout événement nous cherchons une cause et le plus souvent nous la trouvons ; et lors même que nous ne la pouvons assigner, nous ne doutons pas qu’elle existe. Selon l’opinion courante, l’observation des causes et la tendance à s’en toujours enquérir sont même le signe d’un esprit scientifique et supérieur à la moyenne. D’autre part, la connaissance des causes nous permet seule d’agir sur le monde qui nous entoure. Ma plume écrit mal : pourquoi ? Si je sais qu’un grain de poussière en est la cause, il n’est pas malaisé d’y remédier. — Je veux veiller ce soir plus tard que d’ordinaire : je prendrai du café pour ne pas dormir. — Bien des vices proviennent de l’ignorance : nous tâcherons d’instruire l’homme pour le rendre meilleur. Data

  1. Stuart Mill, Logique, liv.  III, ch.  v. De la loi de causalité, §  2.