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a. espinas. — les origines de la technologie

contenu émotionnel et pratique ; ils étaient neutralisés. Une nouvelle technique de la mesure du temps commençait.

Tandis que les Grecs préhistoriques se servaient encore, pour mesurer la valeur, de l’objet qui prime tous les autres aux yeux de peuples pasteurs et agriculteurs, à savoir le bœuf, les Égyptiens, les Chaldéens et les Assyriens se servaient depuis des siècles des métaux précieux dans leurs échanges commerciaux. Comme ils connaissaient la balance et avaient des séries de poids, il leur était possible de donner aux lingots mis en circulation avec la forme traditionnelle, le poids fixe qui les rendait propres aux transactions commerciales. Mais il est certain que cette mensuration exacte ou du moins approximative du poids avait été précédée par une mensuration tout à fait empirique, par l’œil qui juge de la couleur et des formes, par la main qui apprécie la pesanteur, car toute pesée est une évaluation comparative et le choix de l’unité est toujours, à l’origine, le résultat d’une préférence organique devenue traditionnelle. Il est probable que là où la balance était connue, tous les petits marchands n’avaient pas la leur et que les métaux, même non marqués d’une empreinte, circulaient sur les marchés, évalués d’après la forme et le poids des lingots. C’est le point où en sont précisément les Grecs du temps d’Homère. Ils connaissent la balance, ils appellent l’unité d’or un talent, c’est-à-dire une pesée, mais il est évident qu’à défaut d’une empreinte qui certifie la valeur et dispense de la vérification, ils ne pouvaient sans cesse employer la balance pour contrôler le poids. D’ailleurs le talent étant le poids même, la vérification ne pouvait se faire que par comparaison avec des lingots plus petits supposés exacts eux-mêmes ; ce qui devait offrir dans la pratique de nombreuses difficultés. C’est donc à l’œil et à la main qu’ils jugeaient le plus souvent ces espèces de glands, de broches, de barres, qui, dans la Grèce primitive, furent les avant-coureurs de la véritable monnaie. Nous trouvons donc ici encore la projection organique à l’origine des arts de la mesure de la valeur, soit que les Grecs aient reçu leurs lingots d’échange des peuples orientaux, lesquels avaient dû suivre la voie que nous avons indiquée pour leur détermination, soit qu’ils aient, ce qui est peu probable, inventé à leur tour des unités nouvelles. Le talent homérique est, en effet, assimilé sans hésitation par les métrologues au shequel ou sicle babylo-phénicien (16, 8 g. d’or).

Des idées religieuses furent-elles dès le début mêlées à cette évaluation par les sens ; et si elles n’intervinrent que plus tard, quand le furent-elles ? G’est ce que nous ne pouvons savoir en aucune façon. Il est certain seulement que ces usages naquirent dans la