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tude. Il dit, au sujet de la République Argentine, que cela tient « à la sécheresse de l’air, au débordement de la vie urbaine, à l’imitation des révolutions européennes », trois considérations dont deux au moins ont leur valeur. Mais, par malheur, aucune des trois n’est applicable à la Pologne avant le partage. Je ne suis nullement surpris, pour ma part, de voir une nouvelle société en pleine fièvre de croissance, comme La Plata, se convulsionner souvent, et il va des raisons de croire que toutes les sociétés destinées à un grand avenir, à un large développement territorial, qui se sont formées dans le haut passé, c’est-à-dire celles qui ont eu pour berceau une belle vallée, les vallées du Nil, de l’Euphrate, du fleuve Amour, ont été convulsionnaires de la sorte à leurs premiers débuts. Mais, en vieillissant, la plaine argentine se calmera comme s’est apaisée au dix-septième, au dix-huitième siècle, la plaine hollandaise, maintenant si tranquille, autrefois si tourmentée. — Il est à remarquer, à ce propos, que toutes les civilisations de l’ancien et du nouveau monde ont bâti leur nid dans une plaine ou sur un plateau. Si donc il était vrai que les révolutions, j’entends les vraies et heureuses révolutions, ont pour théâtre habituel les collines ou les monts, il s’ensuivrait que révolution et civilisation seraient deux termes incompatibles, formant antithèse complète. Peut-être Metchnickoff, le savant et profond révolutionnaire, auteur de La civilisation et les grands fleuves historiques, ne serait-il pas de cet avis. Et je crois, quoique fort peu révolutionnaire, qu’il aurait raison. Si révolution veut dire innovation féconde, propagée et durable, toute civilisation est un faisceau de révolutions entassées et tassées. Par les lois de l’imitation, — si, par hasard, ma propre chimère ne m’abuse — se résoudrait aisément une apparente difficulté que II delitto politico présente au lecteur attentif.

V

Mais je crains bien qu’en agitant ces questions avec notre auteur, nous ne perdions de vue, comme lui, notre véritable sujet. Il s’agit, en somme, de caractériser le délit politique et le délinquant politique, de dire dans quels cas nous avons devant nous un délit et un délinquant de cet ordre. Serons-nous suffisamment éclairés à cet égard quand nous sauronsen quoi l’insurrection et l’insurgé diffèrent de la révolution et du révolutionnaire ? Non, à moins de révolter la conscience humaine en subordonnant l’appréciation morale et juridique d’un acte à son succès ou à son échec. Une conspiration éclate. Les conspirateurs sont-ils des régénérateurs ou des rebelles ? L’avenir