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nément présenté), quel critérium de choix nous fournit-on ? Entre ces deux biens évidents l’un et l’autre lequel choisirons-nous ?

M. B. reconnaît que la pluralité des biens l’oblige à chercher quel est le meilleur.

Sera-t-il plus heureux dans la détermination du meilleur que dans celle du bien ? Que le lecteur en juge : Le meilleur est ce qui est préféré à bon droit. Et quand ce « bon droit » existera-t-il ? Dans la préférence : 1o du bien sur le mal ; 2o du bien sur son absence ; 3o d’un bien total sur ses parties. Tout cela n’est guère douteux, mais ces critères de préférence sont singulièrement insuffisants ; car ils sont valables pour le voleur qui préfère : 1o la bourse d’autrui (le bien) au travail (le mal) ; 2o une bourse pleine à une bourse vide ; 3o une bourse qu’il garde pour lui tout seul à une bourse qu’il partagerait avec des complices. Ces critères purement quantitatifs ne sont valables que dans l’homogène, tandis que la diiliculté résultait de la nécessité d’établir une règle de préférence entre des biens hétérogènes et exigeait la détermination d’un critérium qualitatif. Mais, essaye de démontrer M. B., en dehors des trois cas mentionnés, les biens n’ont pas de commune mesure, et les faits montrent que nous sommes alors en effet sans critérium. Comment donc reconnaissait-il tout à l’heure la pluralité des biens (qui ne peut s’entendre évidemment que d’une pluralité qualitative) et la nécessité où elle le mettait de déterminer le meilleur ? Nous admettrons volontiers que la question ainsi posée était peut-être insoluble. Mais n’est-ce pas l’auteur même, à moins que nous n’ayions bien mal compris la marche de ses idées, qui la posait ainsi ?

Si la détermination du bien restait presque entièrement formelle, celle du meilleur l’est donc encore bien davantage et c’est surtout pour le bien faire sentir que nous avons insisté. La fin de l’ouvrage atteste l’espérance d’en tirer pourtant la détermination matérielle de la loi morale. C’est cette tentative, si nous avons vu clair dans la conférence de M. Brentano, qui caractérise sa théorie morale. En tout cas, il n’est pas douteux qu’il ait réduit à si peu de chose les éléments du problème moral, que celui-ci prend réellement l’aspect d’un problème abstrait, et pour ainsi dire tout logique. C’est la particularité de cette méthode qui fait l’intérêt de l’ouvrage et nous paraît, quoi qu’on pense de la valeur des résultats, lui mériter l’attention ; et c’est pourquoi aussi il ne nous a pas semblé qu’il fallût se laisser arrêter par l’apparente banalité de certains thèmes dont l’extrême brièveté de l’ouvrage contribue à rendre la portée moins évidente. N’y a-t-il pas nécessairement, au point de départ de toute étude, des données élémentaires et par conséquent, pour ainsi parler, des naïvetés, qu’il n’est pourtant pas inutile de mettre en lumière ?

L’auteur, pour réaliser son programme, déduit, avons-nous dit, les règles concrètes de la moralité des principes relativement abstraits qu’il a posés. C’était même cette application qui constituait le vrai contrôle de ces principes et la pierre de touche de la méthode suivie.