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du peintre Richter, de Feuerbach, etc., sont décisives. Mozart disait : « Quand je suis bien disposé, les idées viennent comme un torrent ; d’où et comment, je n’en sais rien, et je n’y puis rien ». Tout aussi remarquable est le pouvoir qu’avait Gœthe, quand il se représentait une fleur, d’en voir sortir des fleurs nouvelles, encadrées dans des feuilles de toutes couleurs, et douées de formes fantastiques. Telles sont les raisons que M. Œ.-N. oppose à Sully, à Wundt, et à tous ceux qui croient pouvoir ramener l’imagination à l’association des idées. Il n’en est pas moins vrai, ajoute avec beaucoup de justesse M. Œ.-N, que la psychologie doit essayer d’expliquer autant qu’elle le peut par l’association des idées, l’imagination comme les autres fonctions mentales. — On définira donc l’imagination, d’après M. Œ.-N. une spontanéité capable de produire des intuitions nouvelles.

M. Œ.-N. ne pousse pas plus loin, d’ailleurs, son investigation concernant la spontanéité Imaginative, et il ne se demande pas non plus dans quelles relations elle se trouve avec ces deux autres spontanéités, l’habitude et l’intelligence. M. Œ-N. s’est arrêté devant des questions qui ne semblent pas pouvoir se résoudre par l’observation. C’est son droit.

II. Division. — Il y a deux sortes de représentations de l’imagination : les unes sont originelles (ursprünglich) ; les autres résultent d’associations. Les premières sont « telles que, d’aucun de leurs éléments nous n’avons conscience qu’il ait été auparavant dans le souvenir, ni qu’il ait évoqué par association les autres représentations élémentaires ». Quand le mot : froid, me suggère un paysage d’hiver, ma représentation est originelle, le froid n’en étant pas un élément. Comment, dans l’inconscient, ces représentations élémentaires se sont-elles unies, et pourquoi sous cette forme plutôt que sous une autre ? Il y a là une mystérieuse synthèse. Tout ce qu’on peut se demander, c’est la raison des modifications que subissent les représentations élémentaires dans l’élaboration de la représentation totale. Sans doute les jugements ne se reproduisent-ils pas, qui imposent aux impressions sensibles des rapports déterminés de grandeur, d’intensité, de position. Peut-être aussi, à certains souvenirs, s’en ajoute-t-il d’autres qui, faisant contraste avec les premiers, les limitent et les déforment. Un tout imaginé peut, d’ailleurs, s’unir à un autre tout, également imaginé, et former ainsi des images aussi complexes que l’on voudra. Ainsi, non seulement j’imagine une personne à genoux, bien que je ne l’aiejamais vue elle-même, ni à plus forte raison dans cette attitude, mais encore elle est à genoux devant une autre personne que je ne connais pas plus que la première. On comprend par là toute la force, toute l’étendue de la spontanéité de l’imagination. — Les images de la seconde espèce se produisent par association ; non pas qu’elles soient seulement des associations, mais parce qu’au lieu d’être créées de toutes pièces, elles sont suggérées par une représentation donnée qui, elle-même, fait partie