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faut savoir gré aux savants qui tâchent d’appliquer à ces phénomènes obscurs des méthodes précises ; je sais bien que la science ne paraît pas pouvoir rendre compte encore de tous les phénomènes observés, que la question n’est peut-être pas tout à fait mûre ; mais des recherches conduites à la fois avec hardiesse et prudence seraient un bon moyen d’en hâter la maturité. Cependant, les doctrines du spiritisme ont un assez grand nombre d’adeptes réunis en groupes et pour qui leur doctrine est une véritable religion. Cette religion nous intéresse ici, en ce qu’elle se fait accepter assez souvent par des personnes qui ont abandonné toutes les autres.

J’ai été amené, par le désir d’observer des phénomènes qui m’intéressaient, à entrer en relation avec quelques adeptes du spiritisme. Les faits que j’ai pu constater n’offrent pas d’importance au point de vue scientifique ; ils me paraissent plus intéressants au point de vue social et psychologique. Les spirites que j’ai connus directement ou indirectement, employés, petits propriétaires, n’ont mis d’ailleurs aucun empressement à me faire assister à leurs expériences. Pour eux la partie pratique du spiritisme n’est pas la plus importante au point de vue de l’acquisition de leurs croyances ; il faut croire d’abord à la doctrine : l’un d’eux me disait avoir cru immédiatement en lisant les œuvres d’Allan Kardec, il avait senti que cette doctrine était la vraie. Ces croyants pour qui le spiritisme est une foi sont peu disposés à se prêter à des expériences scientifiques. Au point de vue philosophique, le spiritisme est sans grande valeur : la doctrine d’Allan Kardec est assez puérile et prétentieuse, elle aurait besoin d’être sérieusement revue par un spirite au courant de la philosophie contemporaine et des dernières recherches psychologiques. Mais si le spiritisme répond un peu au besoin de connaissances générales sur le monde et sur l’homme, s’il satisfait, en la trompant, je pense, la faim de science des personnes croyantes qui interrogent les tables tournantes sur les mystères de la vie future et de la création, il me paraît répondre bien mieux aux besoins affectifs de la nature humaine. Il a cet avantage sur la plupart des religions de ne pas séparer les vivants et les morts ; par ses procédés un père entre en communication avec ses enfants morts, un amant avec sa fiancée. Il ne faut pas s’étonner que les croyants au spiritisme soient assez souvent d’anciens libres penseurs ; les autres éprouvent moins le besoin de cette nouvelle religion. À l’heure qu’il est, pour les croyants des anciens cultes, le spiritisme

    gories de phénomènes, les belles expériences de M. Pierre Janet ont montré que le dédoublement de l’esprit du médium était la seule cause réelle.