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mais l’auteur croit pouvoir soutenir qu’il n’y a jamais d’association immédiate des représentations successives. La liaison d’impressions successives a, b, c, d peut avoir lieu de deux manières. Ou bien a n’a pas encore disparu de la conscience quand b y apparaît et ainsi de suite ; alors c’est en réalité une simultanéité qui agit. Ou bien, chaque excitation produit un mouvement réflexe ; par exemple une image verbale produit les mouvements d’articulation, ceux-ci un autre et ainsi de suite, en sorte que tous ces complexus de mouvements se lient entre eux. Si l’idée b suit l’idée a, ce n’est pas parce que a éveille b, comme on l’admet généralement, mais a suscite le mouvement A, qui suscite le mouvement B, et B éveille b dans la conscience ; B suscite C, et ainsi de suite.

Pour soumettre cette théorie au contrôle de l’expérience, l’auteur a recherché si les associations successives sont encore possibles lorsque l’on exclut l’exercice des mouvements concomitants aussi bien que la perception simultanée des termes voisins dans une série. Il a adopté le dispositif suivant : un tableau noir sur lequel on peut faire glisser une bande noire de 2 décimètres qui présente une petite ouverture carrée ; une ligne de lettres est écrite sur un tableau dont chacune apparaît successivement à travers l’ouverture par suite du glissement de la bande : chaque lettre reste visible une seconde. Ces lettres sont disposées de manière à ne former aucun mot et l’expérimentateur ne doit pas les connaître d’avance.

La première série d’expériences consiste à lire ces lettres, puis quand elles ont disparu, à les répéter aussi exactement que possible. On peut réussir avec des séries de 4, 5 et jusqu’à 10 lettres. Les séries de 4 à 7 lettres sont répétées exactement sans exception, au delà il y a quelques erreurs.

La seconde série d’expériences consiste à procéder comme ci-devant, mais de plus, tout en fixant son regard sur les lettres, le sujet doit calculer de tête à haute voix (exemple, additionner 7 + 7, etc.), jusqu’à ce que la dernière lettre apparaisse. Dans ce cas, d’abord on ne peut pas dépasser la série de 7 lettres ; dans la série de 6, il y a pour un tiers une lettre fausse ; pour les deux tiers, la reproduction est exacte. Mais pour une série de 100 expériences avec 4 lettres, on trouve ; 6 fois une lettre fausse, mais dans 52 cas l’ordre de reproduction des lettres est faux ; avec 5 lettres, 64 cas d’ordre faux, avec 6 lettres 83 cas. (Exemple, l g h t au lieu de h g l t ; c p i s e, au lieu de p s i c e, etc.

Faut-il attribuer la différence des deux cas à l’intervention de l’attention ? L’auteur rejette cette hypothèse. D’après lui, les différences, dans le second cas, viennent de ce que l’appareil vocal est complètement séquestré, que les lettres ne peuvent être répétées et que, étant occupé à compter, nous ne pouvons retenir intérieurement une lettre, quand la suivante se présente. L’association simultanée fait défaut, en même temps que l’exercice des mouvements : la conscience saisit bien les impressions successives et peut les reproduire, mais chacune d’elles reste isolée et l’une n’éveille pas l’autre.