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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

si libre dans sa foi et dans sa pratique religieuses dans l’Italie qui pré. cède le concile de Trente ? N’y connaissait-on que cette religion, où le sentiment, l’imagination et jusqu’à la critique avaient les coudées franches ? Je n’ose trop le croire. Et, d’autre part, comment s’étonner si à la suite de l’effroyable secousse que la Réformation imprima au catholicisme, l’Église de Rome ait senti le besoin de serrer les ressorts et de concentrer dans sa main les moyens de gouvernement qui empêchassent une seconde crise.

M. Gebhart, après avoir indique les conditions religieuses et morales de l’Italie antérieurement à Joachim de Flore, traite successivement d’Arnaud de Brescia, de Joachim de Flore, de saint François d’Assise et de l’apostolat franciscain, de l’empereur Frédéric II et de l’esprit rationaliste de l’Italie méridionale, de l’exaltation du mysticisme franciscain avec l’Évangile éternel, Jean de Parme et Fra Salimbene, du saint-siège et des spirituels, de la poésie et de l’art populaires, du mysticisme, de la philosophie morale et de la foi du Dante. — Ce livre, d’une forme vive et élégante, d’une information abondante et précise, est une contribution des plus solides à l’histoire religieuse et intellectuelle du moyen âge[1].

S’il était besoin de fournir une fois de plus la preuve que le « cousinisme » n’a rien de commun avec un système philosophique, mais que c’est purement et simplement un compromis politico-pédagogique, M. Barthélémy Saint-Hilaire nous l’apporterait ample et décisive dans son très autorisé ouvrage : La philosophie dans ses rapports avec les sciences et la religion[2]. Le traducteur d’Aristote n’a jamais caché ses sympathies philosophiques et nous croyons qu’il a qualité plus que personne pour nous renseigner sur la manière dont Victor Cousin et ses amis entendaient les rapports de l’enseignement philosophique et de la religion. Ce livre, en dehors de l’intérêt même du sujet, est simple et limpide ; sans être précisément original, il a un air de nouveauté parce qu’il est visible que son auteur n’a rien modifié d’essentiel à ses vues depuis cinquante bonnes années et que des publications de cette nature sont devenues rares. Il tranche, de la sorte, sur les écrits même de ceux qui se rattachent plus ou moins directement à Cousin et surtout peut-être sur ces écrits-là en faisant voir quel chemin on a parcouru depuis lors, quelles graves modifications ont été introduites dans la doctrine première.

  1. Au moment de corriger cet article en épreuves, nous recevons un fort volume : John Wyclyff, sa vie, ses œuvres, sa doctrine, par Victor Vattier, qui porte le millésime de 1886 (chez Leroux, Paris). Nous ne voulons pas le faire attendre un an de plus. C’est une estimable compilation, dont l’auteur a mis à profit de récentes publications étrangères relatives à ce précurseur de la Réforme ; mais, dans un prospectus encarté au même volume, on voit M. Vattier qui annonce son intention de ramener toute l’œuvre de la réformation à Wycliff ; ce propos nous semble inquiétant.
  2. Chez Alcan, in-8o, 280 p.