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ANALYSES.a. fouillée. L’avenir de la métaphysique.

tèmes les plus opposés peuvent l’admettre en commun, et qu’elle convient également à la philosophie positive d’Auguste Comte, à la critique de la connaissance de Kant et à l’ontologie des vieux métaphysiciens. C’est grâce à cette conception que M. Fouillée démontre fort aisément la pérennité de la métaphysique. La philosophie positive qui prétendait renverser à jamais la métaphysique en devient au contraire la première assise. « On ne peut pas ne pas admettre une première partie de la métaphysique, qui est la systématisation des éléments et des résultats ultimes de notre expérience actuelle. Cette partie de la métaphysique exprime la portion de la nature que révèlent dans leur état présent toutes les sciences. Quand même elle serait ainsi réduite, la métaphysique ne saurait disparaître par le progrès des sciences ; au contraire elle profiterait de ce progrès même. » Par le même moyen, Kant se trouve enrôlé parmi les métaphysiciens. « La métaphysique ne peut se borner à unifier la connaissance ; sa seconde tâche est d’en faire la critique, d’en marquer les lacunes, les limites et l’exacte valeur. »

Il est clair cependant que Kant et Auguste Comte devaient savoir ce qu’ils voulaient dire lorsqu’ils contestaient hautement la possibilité de la métaphysique : ce mot avait sans doute pour eux un autre sens. Ils le prenaient, croyons-nous, dans son sens étymologique et traditionnel ; science du surnaturel, science de l’absolu ou de l’être en soi. En ce sens, la métaphysique, c’est l’ontologie, et en ce sens aussi, ni la philosophie générale qui coordonne les résultats des sciences, ni la critique générale qui analyse leurs principes, ne sont des métaphysiques (à moins de démontrer que l’une et l’autre sont nécessairement inséparables de la science de l’être en soi, ce qui est justement la thèse contredite par Auguste Comte et par Kant).

Quelle est sur la métaphysique ainsi entendue la pensée de M. Fouillée ? Elle n’est pas, à ses yeux, la métaphysique tout entière, mais elle en est une partie aussi essentielle que les deux autres. C’est en effet l’originalité de ce livre que d’unir et de superposer, pour constituer la métaphysique, trois théories jusqu’alors considérées comme plus ou moins incompatibles entre elles et avec la métaphysique elle-même. « De l’examen auquel nous avons soumis la conception positiviste et la conception kantienne, il résulte que la métaphysique n’est ni une simple systématisation des objets de la science, ni une simple critique de la connaissance, ni même la simple réunion des deux. La métaphysique complète doit comprendre : 1o une cosmologie ou philosophie des sciences et une critique de la connaissance ; 2o une doctrine de l’existence, une représentation aussi rapprochée que possible de l’existence linale et tolale. » Et pourquoi la doctrine de l’existence est-elle une partie intégrante de la métaphysique ? Justement parce que le problème de l’être est l’un des problèmes universels et ultimes nécessairement impliqués dans toute science et toute pensée. Fût-il insoluble, encore faudrait-il le poser, le discuter, montrer qu’il est insoluble et pour quelle raison. Voici donc la définition compréhensive à