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montrer à l’enfant les deux lignes à comparer qu’au dernier moment, après avoir sollicité d’avance son attention. Ce sont là de petites précautions, mais elles me semblent indispensables, et je suis certain que, si on les négligeait, on obtiendrait bien souvent des résultats négatifs qui ne signifieraient qu’une chose : c’est que l’expérimentateur n’a pas su s’y prendre. L’expérimentateur est obligé, jusqu’à un certain point, de changer de méthode suivant les sujets auxquels il s’adresse ; il y a certaines règles à suivre quand on expérimente sur un enfant, il y a d’autres règles pour les personnes adultes, il y a d’autres règles aussi pour les hystériques, il y en a d’autres enfin pour les aliénés. Ces règles ne sont écrites nulle part ; chacun les apprend de lui-même, et en grande partie à ses dépens ; c’est en se trompant, et en s’expliquant ensuite la cause de l’erreur commise qu’on apprend à ne pas se tromper une seconde fois. En ce qui concerne les enfants, les deux principales causes d’erreur dont il faut se méfier me paraissent être la suggestion et le défaut d’attention. Ce n’est pas ici le moment de parler du premier point. Quant au second, le défaut d’attention, il présente une si grande importance qu’il faut toujours le suspecter quand on obtient un résultat négatif. On doit alors suspendre les expériences, et les reprendre plus tard, à un moment plus favorable, et les recommencer ainsi 10 fois, 20 fois, avec une grande patience. Les enfants, en effet, sont souvent peu disposés à prêter l’attention à des expériences qui n’ont rien de récréatif, et il ne faut pas espérer qu’on puisse les rendre beaucoup plus attentifs en les menaçant de punitions. Quelquefois on peut, par des artifices particuliers, donner à l’expérience un certain attrait.

Les premières observations furent faites sur l’aînée des deux petites filles ; je lui soumis les tableaux en lui expliquant qu’il fallait poser le doigt sur la plus longue ligne, et je constatai qu’elle pouvait reconnaître, presque sans hésitation, la ligne la plus longue sur les quatre premiers tableaux. Elle a même pu, à plusieurs reprises, parcourir ces quatre tableaux d’un bout à l’autre sans commettre la moindre erreur ; j’ai employé mon procédé de contrôle, qui consiste à renverser le tableau selon ses bords, et elle ne s’est pas trompée davantage. Il n’en a pas été de même pour le cinquième tableau contenant des lignes dans le rapport de 40/38. Là, plusieurs erreurs ont été commises, et je considère ce rapport comme constituant pour le moment la limite de son pouvoir de discrimination. Ces résultats ont été obtenus sans aucun exercice préalable.

La petite fille de deux ans et demi ne s’est pas comportée différemment. Il est vrai qu’à la première épreuve, elle commit plu-