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analyses. — hartmann. Erreurs et vérités.


E. de Hartmann : Le Darwinisme. Ce qu’il y a de vrai et de faux dans cette théorie, traduit de l’allemand par Georges Guéroult. Paris, 1877, Germer Baillière.

M. de Hartmann n’avait pas attendu la publication de l’opuscule, que M. Georges Guéroult vient de traduire, pour formuler son jugement sur le Darwinisme. Dès 1868, dans la première édition de son ouvrage capital : « La philosophie de l’Inconscient[1] », il marquait déjà par un trait sûr et définitif la limite où il entendait renfermer son adhésion à la doctrine de la descendance. S’appuyant sur les travaux de Kœlliker, il substituait à la théorie mécanique du transformisme la conception finaliste de la génération hétérogène. Avec le botaniste Nägeli, il montrait que la sélection naturelle, encore à condition qu’on n’en fasse pas un principe purement mécanique, peut tout au plus rendre compte des modifications physiologiques ; et qu’elle nous laisse absolument sans explication devant les propriétés morphologiques des êtres. Il insistait surtout victorieusement sur ce point, que la sélection naturelle, avec ses corollaires indispensables : la lutte pour l’existence, la variabilité, l’hérédité, ne doit être considérée que comme un mécanisme ingénieux propre à favoriser l’action de la finalité naturelle, en d’autres termes à réduire le nombre des interventions nécessaires de l’activité créatrice, mais nullement à les supprimer, à les remplacer. Et nous avons nous-mêmes résumé de la manière suivante les idées essentielles que M. de Hartmann développe dans le Xe chapitre de la métaphysique de l’Inconscient : « L’adaptation et l’hérédité font bien connaître certaines lois du développement phylogénétique aussi bien qu’ontogénétique, c’est-à-dire du développement des individus comme de celui des espèces ; mais elles n’en expliquent pas le point de départ. L’intervention de l’Inconscient est nécessaire, soit pour contenir dans les limites du type spécifique les déviations individuelles produites par l’action des circonstances extérieures, ou par les influences obscures qui s’exercent sur la génération ; soit pour donner l’impulsion au processus créateur de chaque espèce nouvelle. » (Voir notre introduction à la Philosophie de l’Inconscient, p. XXVI.)

Plus tard, en 1874, M. de Hartmann publiait sur Hæckel, considéré comme le premier champion de la théorie de la descendance en Allemagne, une exacte et sympathique étude, où les prétentions métaphysiques du naturaliste d’Iéna sont sévèrement jugées, sans qu’il en coûte rien à l’admiration méritée par ses travaux scientifiques. Le problème si difficile de la conciliation du mécanisme et de la téléologie y est traité en quelques pages avec autant de pénétration que de largeur.

Enfin, c’est dans l’ouvrage si longtemps anonyme et connu sous le nom de « l’Inconscient du point de vue de la physiologie et de la théorie de la descendance » (dont M. de Hartmann vient de faire

  1. La Philosophie de l’Inconscient, traduite par D. Nolen, chez Germer Ballière, 1877.