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analyses. — lewes. Base physique de la vie.

donc à outrance ce qu’il appelle « la superstition de la cellule, » c’est-à-dire la doctrine courante qui considère la cellule nerveuse comme l’élément suprême, l’origine de la fibre nerveuse, la source de la force nerveuse : doctrine qui repose sur une physiologie et une anatomie imaginaires, puisqu’en réalité les cellules des centres nerveux (si l’on suppose que ce sont les seuls agents) agissent en groupes et que l’anatomie n’a jamais réussi à montrer comment ces groupes sont unis entre eux. L’anastomose directe des cellules nerveuses entre elles est extrêmement douteuse : le petit nombre de cas où l’on a cru l’observer au microscope, est, au jugement des meilleures autorités, une pure illusion d’optique.


Dans la troisième partie (l’automatisme animal) M. Lewes traite bien plus largement qu’ailleurs les questions métaphysiques. Nous ne voudrions nullement affirmer qu’il ne dépasse pas les limites tracées par lui entre la métaphysique et la métempirique, ni que les hypothèses qu’il propose soient, comme il l’exige, vérifiables par l’expérience. Il rejette également le dualisme qui admet deux substances — esprit, matière, — différentes l’une de l’autre, et la théorie qui suppose un noumène, substratum réel des manifestations corporelles et mentales. Sa conclusion (p. 349) c’est qu’il y a entre les deux groupes de phénomènes une parfaite équivalence ; la différence ne venant que d’une diversité d’aspects. La différence de l’esprit au corps est simplement celle d’un processus logique à un processus nerveux. « Lorsqu’une personne pense une proposition logique, elle groupe des signes verbaux ; moi, qui vois ce processus, je groupe une série de signes totalement différents. Pour elle, cette proposition est un état subjectif, un sentiment ; pour que cet état subjectif devienne un objet, il faut qu’il soit saisi d’une autre manière, d’une façon objective, qu’il soit vu ou imaginé. Il est évident que lorsque cette personne voit ou imagine le processus, elle n’est pas dans le même état que lorsque le processus se passe en elle, puisque les deux façons dont elle les perçoit sont différentes. On a des raisons d’admettre qu’un processus logique a son processus physique corrélatif, mais comme nous ne pouvons percevoir un aspect comme nous percevons l’autre, comme nous ne pouvons voir la succession logique comme nous voyons la succession physique, cette différence dans la manière de percevoir nous force à les séparer et à assigner l’une à la classe subjective, l’autre à la classe objective. » — Nous n’avons pour notre part aucune objection à faire à cette façon d’interpréter les phénomènes ; elle nous semble la plus raisonnable, la plus conforme aux faits ; mais elle n’est qu’une simple hypothèse et M. Lewes serait-il en état d’établir qu’elle appartient rigoureusement à l’ordre métaphysique, non à l’ordre métempirique qu’il proscrit ?


La théorie des actions réflexes qui achève l’ouvrage est l’une des questions chères à M. Lewes. Dès 1859, dans sa Physiology of commun life,