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vement les animaux à leur place, est relevée d’exemples piquants. Du reste les idées dans leur ensemble sont plutôt conformes qu’opposées à l’esprit du Darwinisme. M. Joly nous le dit lui-même. « Nous ne désespérons pas de montrer, écrit-il à propos de la nature de l’instinct, que l’école transformiste a beaucoup fait pour fortifier et propager une manière de voir identique à celle que nous soutenons » (p. 142). Quant à la conclusion, on voit dans quel sens il faut l’entendre ; l’explication de l’instinct, telle que nous venons de la résumer, consiste à substituer à une tendance occulte et presque surnaturelle un jeu de sensations et d’images qui s’établit sous l’influence de l’organisme et du milieu, entraînant des actions appropriées. M. Joly refuse à ces sensations et à ces images le nom de phénomènes intellectuels, et ne veut y voir que des phénomènes sensibles (p. 103). C’est affaire de convention. Il reste vrai que ces images forment des groupes qui ressemblent à nos idées ; ces groupes forment des séries qui ressemblent à nos jugements, ces séries reparaissant dans le même ordre font naître une attente prévoyante qui ressemble à nos raisonnements ; et il se forme ainsi cette espèce de consécution dont parle Leibniz, et qui imite la raison. M. Joly le reconnaît ; or c’est là tout ce que le vulgaire entend par l’intelligence des animaux.

III. La deuxième partie contient une suite de dissertations où l’auteur touche en passant aux principaux problèmes de métaphysique et oppose le spiritualisme birano-leibnizien aux théories de MM. Bain, Spencer, Taine, Dumont, de Hartmann, etc. La discussion roule successivement sur l’origine du langage, l’origine des idées, les principes de l’art et de la morale, ridée du moi, la nature de la vie et de l’âme, la communication des substances… ; elle est trop rapide et trop fragmentée pour être toujours convaincante ; elle ne se laisserait pas, d’ailleurs, résumer aisément. Il suffira d’indiquer la marche générale de la pensée.

M. Joly se propose d’établir qu’il n’y a pas de transition possible entre l’instinct et la raison, ou, en d’autres termes, que les opérations intellectuelles sont irréductibles aux opérations sensibles. Il examine les divers points d’attache auxquels on a essayé de relier la chaîne des phénomènes psychologiques ; il y montre l’intervention d’un principe spécial et supérieur, et, reculant toujours plus loin le passage, il s’efforce de rompre jusqu’au dernier les liens ou les évolutionnistes se flattent d’enlacer la série des êtres, de manière à laisser flotter dans le vide les origines humaines.

Le langage est le premier de ces intermédiaires qui semblent propres à rejoindre les facultés animales aux facultés de l’homme. M. Joly distinguera le langage d’émotion purement subjectif et les langues humaines éminemment objectives et généralisatrices qui sont l’œuvre et l’instrument de la raison. De même l’association des idées, souvent invoquée pour rendre compte de la formation de tous les faits intellectuels, recevra pour principe tantôt l’appétit et l’action du milieu, tantôt la