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tion du mouvement se produisirent à une époque où les données expérimentales manquaient pour asseoir des théories solides ; aussi, trop pressés d’établir des doctrines complètes, les savants se livrèrent à la construction de systèmes imaginaires. La tendance empirique prévalut ensuite ; on s’arrêta à la diversité des phénomènes sans chercher leurs rapports ; on considéra la lumière, la chaleur, l’électricité, le magnétisme, l’affinité comme les effets d’agents distincts, doués de propriétés spéciales. Au point de vue de la théorie générale de la nature, c’était un recul ; mais il était utile, à cette époque, de se concentrer sur l’observation des phénomènes, afin d’établir une base d’analyse sérieuse pour la synthèse future. L’esprit humain a des audaces parfois trop grandes ; il convient de retenir son élan pour lui ménager un vol, non plus élevé mais plus sûr. Il cherche avant de pouvoir trouver ; mais il rencontre enfin ce qu’il cherche et réussit à le démontrer. L’organisation de la nature est conforme à celle de l’esprit humain, sans quoi la science serait impossible. L’harmonie qui est la loi de notre pensée est aussi la loi suprême du mouvement du ciel et de la terre. Toutes les sciences ont une même méthode fondamentale, et sont placées sous l’influence des mêmes principes directeurs. L’étude directe de ces principes appartient à la philosophie qui n’est que l’esprit de la science prenant connaissance de lui-même et affirmant ce qu’il suppose. Ici se manifeste le vrai rapport de la philosophie et des sciences particulières. Les prétentions du rationalisme manifestées dans la construction a priori sont justement rejetées ; mais le rationalisme est une philosophie et non la philosophie. La philosophie fortifie la raison dans sa confiance en l’unité, manifestée par l’harmonie des phénomènes. Si, fidèle à la méthode vraie, elle se borne à diriger des hypothèses absolument soumises au contrôle de l’expérience, elle maintient les sciences dans la bonne voie. Quand la méthode sera bien comprise, on ne confondra plus les principes directeurs de la recherche avec des principes dont on puisse déduire un système. Au lieu d’opposer les philosophes aux savants, on constatera la profonde harmonie de la science générale qui fortifie, en les étudiant, les éléments de la raison et des sciences particulières qui fécondent par ces éléments les données de l’expérience.

La tendance à l’unité manifestée dans l’induction, dans la recherche de l’harmonie et dans la recherche de la simplicité, est le principe directeur des hypothèses scientifiques et le postulat général de la science. On ne doit pas s’étonner que cette direction de la pensée soit sujette à de grands écarts. Le problème général de la science, comme Aristote déjà l’indiquait, est de concilier le multiple qui nous