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naville. — principes directeurs des hypothèses

éléments irréductibles. C’est sur l’affirmation de cette vérité que la physique moderne a été fondée, et les transformistes, nos contemporains, tout en bénéficiant des progrès de la science moderne, méconnaissent sa base fondamentale, et reviennent, avec beaucoup plus de science de détail, mais sans une vue plus juste de la science générale, aux confusions d’idées qui caractérisent les doctrines des philosophes ioniens et qu’Anaxagore avait commencé à débrouiller. C’est à une saine culture philosophique qu’il appartient de prévenir les écarts de cette nature, en fixant les règles de la méthode, et en déterminant les rapports légitimes de l’analyse et de la synthèse. — La culture philosophique a encore une autre mission. Pour préserver la raison de l’abus de ses propres tendances, il faut la satisfaire dans ses légitimes exigences, de même qu’on calme l’activité désordonnée et tumultueuse des enfants en leur fournissant une occupation régulière. La philosophie doit se demander où peut se rencontrer l’unité véritable, l’unité absolue vers laquelle la raison est orientée. Or, nous ne saurions affirmer, sans méconnaître les données les plus évidentes de l’observation, ni l’unité de la substance, en ramenant à une classe unique tous les éléments de l’univers, ni la réduction de toutes les lois à une loi unique : cela est impossible. L’idée de la cause est seule capable de résoudre le problème général de la philosophie. Le problème de la philosophie, en effet, tel qu’il a été fort bien posé dans l’école de Pythagore, mais sans pouvoir obtenir une solution satisfaisante à cette époque, consiste à élever la pensée à la conception d’une unité qui renferme en elle-même le principe d’une multiplicité possible. Cette unité ne peut être que celle de la cause absolue, qui est une en elle-même, et qui se maintient sous la forme de l’harmonie dans la diversité de ses effets. Je n’entreprends pas ici de discuter, au point de vue métaphysique, cette solution du problème universel. Je dis seulement que c’est là que se trouve le remède aux abus de la recherche de l’unité. Lorsque la raison a contemplé l’unité de la cause de l’univers, elle redescend avec calme à l’étude des sciences particulières, parce qu’elle a obtenu la satisfaction dont elle a besoin, et qu’elle ne cherche plus cette satisfaction dans des voies sans issue. Elle sait où peut se trouver l’unité absolue et où elle ne saurait être. L’équilibre de la pensée qui constitue le bon sens des esprits sages se trouve ainsi fortifié. En effet, lorsqu’on se sera placé à ce point de vue, on cherchera, dans chaque ordre de phénomènes, le général, le simple, l’un ; mais on saura que les différentes faces de la pyramide scientifique ne se rejoignent qu’au sommet, et que ce sommet ne peut être que l’idée de la cause suprême qui fait la diversité des