concept, il reste simple pour mon esprit, et alors je prononce que
A est A. Il peut se faire aussi que j’applique à un concept complexe,
donc analysable, une attention synthétique : je puis en effet vouloir
défendre tel ou tel concept contre une analyse qui me paraît périlleuse
au point de vue pratique ; je dirai alors : « La vertu est la vertu,
— un fait est un fait », ou, comme Boileau : « j’appelle un chat un
chat. » Mais la résistance d’un concept à l’analyse est un fait exceptionnel :
seuls les concepts d’être, chose, objet, sujet, sont réfractaires
à la définition ; encore ne le sont-ils pas à la division ; l’attention synthétique
est de son côté un fait assez rare, et bien qu’elle fournisse,
comme nous venons de le montrer, des expressions populaires ou
littéraires du principe d’identité, ce principe est, en réalité, une
découverte des philosophes, qui l’ont toujours considéré comme le
principe caché des jugements analytiques, définitions et divisions
{A est b -h c), et des jugements semi-analytiques ou d’identité partielle
(A est b ; lliomme est un animal) ; les philosophes l’ont découvert
en procédant à la façon des chimistes ; traitant la pensée discursive
comme ceux-ci travaillent les composés naturels, ils ont
extrait, ils ont isolé ce corps simple de la pensée, qui se trouvait
engagé et dissimulé dans toute une classe de composés intellectuels
dont il est la condition nécessaire, la raison d’être, l’explication.
Voici comment, d’après eux, on obtient le principe d’identité :
Si une chose est autre chose qu’elle-même {A est B, A est b -- c),
c’est que cette autre chose n’est pas, à proprement parler, une autre
chose ; dire qu’une chose est autre chose, c’est donc dire implicitement
que la première chose est elle-même, et que l’autre chose, de
son côté, est elle-même ; ce dont on affirme autre chose, comme ce
qui s’affirme d’autre chose, est en même temps affirmé de soi-même ;
et cette affirmation implicite implique elle-même, dans chaque cas
particulier, l’affirmation générale que tout ce qui est, est, c’est-à-dire
est ce qu’il est {A est A). Cette double affirmation implicite est la
condition nécessaire des affirmations explicites et particulières qui
figurent seules dans la série de nos états de conscience ; le vulgaire
ignore ces conditions cachées ; l’analyse du philosophe les découvre.
A cette démonstration classique une addition me semble nécessaire :
Si tout concept dont on affirme l’identité partielle ou totale avec un autre ou avec une combinaison de plusieurs autres est par là même affirmé identique à lui-même, il est donc pensé deux fois, dédoublé ou, plus exactement, redoublé, sa duafité étant entendue comme purement artificielle ; cette duplication Imaginative, dont nous n’avons pas conscience, est une préparation nécessaire à Faffirma-