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attaques et sa polémique est goûtée, mais il réintègre dans ses droits ce qui avait été méprisé ou négligé par l’idéalisme : la réalité que l’observation et l’expérience nous révèlent. Dans la science du beau, pour employer le mot qui sert le mieux à désigner le réel, il s’attache à faire ressortir et préconise le côté de la forme. Admise sans doute comme un des éléments du beau dans l’esthétique idéaliste, mais à un rang subordonné, elle y joue en réalité un très-faible rôle. Elle s’efface, comme on l’a vu, devant l’idée. Ici, elle reprend le pas sur l’idée et la refoule à son tour. Cette réaction s’accuse différemment dans les deux représentants principaux du réalisme : Herbart et Schopenhauer, qui tous deux, comme on sait, se rattachent à Kant mais suivent deux voies fort différentes. Elle est encore plus visible dans les partisans du positivisme. Nous avons à demander à ces hommes et à ces écoles ce qu’ils ont fait pour la science du beau et la philosophie de l’art.

Une remarque générale est celle-ci ; quand on jette un coup d’œil sur l’ensemble des travaux exécutés en ce genre au sein des écoles réalistes et positivistes, on est frappé d’une différence qui n’est pas à l’avantage du réalisme et qui ressort de cette comparaison : C’est que ces productions sont loin d’égaler en nombre et en importance les œuvres analogues de l’école idéaliste. D’abord il n’y a pas de véritable système à mettre à côté de ceux de Hegel, de Weisse, de Vischer. Il serait même difficile de signaler une composition originale et complète vraiment féconde émanée de ces écoles.

Leur historien lui-même (Zimmermann, p. 799) en convient et s’en étonne. Ce sont ou des vues et des aperçus généraux, des esquisses et des essais, ou des théories et des analyses spéciales sur des questions particulières plus ou moins importantes. Aucun des maîtres n’a essayé d’élever à la science un monument durable et complet. Tous se sont bornés à fixer sa place dans leur système, et à en tracer la méthode ou à en marquer les principales divisions. Le reste, je l’ai dit, se borne à des vues ou des aperçus détachés et disséminés. Les disciples qui ont essayé d’appliquer les principes ont été forcés de s’en écarter. Tout en restant fidèles à l’esprit général de la doctrine, ils ont dû emprunter à l’idéalisme beaucoup de ses meilleurs résultats. (V. Lotze…) Néanmoins tous ces travaux conservent leur caractère propre et leur mérite réel. On peut dire qu’il y a là, sinon une esthétique complète, de précieux matériaux pour cette science. Si les essais de la fonder sur une base trop étroite n’ont pas réussi, les résultats ne méritent pas moins une attention particulière. Nous ne pouvons que mentionner les principaux. Commençons par Herbart et ses adhérents.