Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/167

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La science avance même en paraissant rester sur place ou même quelquefois reculer.

À ces conditions il faut ajouter le génie, qui vient à son heure. Nous n’avons rien à lui prescrire mais lui-même les observera. En attendant qu’une œuvre apparaisse réellement nouvelle qui les remplisse, nous avons marqué dans quel esprit doivent travailler les ouvriers de cette science et quiconque s’intéresse à elle et à son avenir. Nous sommes, je le répète, en un temps d’arrêt, mais non stationnaire. La critique, les recherches partielles, les travaux historiques nous préparent une ère de résurrection pour la philosophie en général et pour chacune de ses parties. Celle-ci, qui est la plus jeune et la plus confiante, la science du beau et la philosophie de l’art, est dans ce cas. Nous avons du moins fait voir où en sont actuellement nos voisins sur cette portion du savoir humain qu’ils se vantent de leur appartenir.

Et nous, quelle sera notre tâche ? Ce domaine si vaste et si riche, voulons-nous tout à fait le leur abandonner ? Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au début de cet article. Mais que devons-nous faire ? Il faut, sans humilité, le reconnaître, dans cet ordre de questions et sur ce terrain, celui de la spéculation (je ne parle pas de la critique des œuvres d’art et de leur histoire), dans le domaine de la science pure, nous n’avons que peu de chose à opposer à ces théories et à ces systèmes. Absorbés, depuis plus d’un siècle, par les questions morales et sociales, d’un intérêt pratique et plus pressant, nous avons négligé ces questions. Quant à ces théories et ces systèmes, je sais qu’il est de bon ton chez les esprits superficiels, de les dédaigner, de les déclarer vains et chimériques. Je ne discuterai pas ce point ; je dirai seulement qu’eux-mêmes subissent leur ascendant, et souvent, sans s’en douter, se servent des données fournies par ces systèmes, comme motifs non raisonnés de leurs plus tranchantes décisions.

Notre devoir est donc (je l’ai dit en commençant, je le répète en finissant), de nous mettre à la hauteur de ces questions et de nous enquérir des solutions qui leur ont été données. Nous sommes, pour notre part, bien convaincu que l’esprit français est très-apte lui-même à les traiter. Mais il faut qu’il veuille bien s’en occuper. Nous avons les qualités qui nous rendent propres spécialement à y réussir. Dans ces recherches philosophiques sur le beau et l’art, il est besoin, plus qu’ailleurs, de clarté précise, de justesse et de mesure. Le sens éclairé du beau, philosophiquement exercé et cultivé, peut pénétrer aussi avant qu’il est possible à l’esprit humain dans le secret de ces problèmes. L’éloignement de toute fausse profondeur, de toute recherche d’obscurité, de tout pédantisme, d’un vain et inutile formalisme, sont