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travail de l’aperception ne s’est pas produit. On peut donc dire en toute sûreté que ce retard dans la durée de la réaction est dû à l’aperception. En effet, les conditions de l’innervation volontaire sont les mêmes ici que dans les autres expériences ; ce n’est donc pas d’elle que peut provenir la différence.

Un cas plus compliqué que le précédent est celui où l’impression est complètement inattendue. Il en résulte un retard dans le temps physiologique. Ce cas se présente quelquefois par hasard, quand le sujet, au lieu d’appliquer son attention à l’impression attendue, se laisse distraire. On peut le produire artificiellement en interrompant une série d’impressions à intervalles uniformes par un intervalle très-court. Le temps physiologique s’élève alors jusqu’à 1/4 ou 1/2 seconde[1]. Le retard est moins, quoique notable encore, quand le sujet ignore la nature de l’impression qu’il va recevoir (son ou vision ou contact).

On peut se proposer enfin de faire porter la complication non plus sur l’impression perçue, mais sur le mouvement de réaction. Telles étaient les expériences imaginées par Donders et Jaager, dont nous avons parlé plus haut : un choc électrique est appliqué tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre ; la main du côté piqué doit réagir. Ou bien encore l’impression est produite par une lumière tantôt rouge, tantôt blanche ; la main droite réagit pour la première et la main gauche pour la seconde. Enfin un troisième mode d’opérer : Une voyelle est proférée, le sujet doit la répéter et les deux mouvements sont enregistrés à l’aide d’un stylet oscillant sur un tambour : tantôt la voyelle est connue d’avance par le sujet, tantôt il l’ignore. L’instrument constate une différence de durée.

Impression connue Impression inconnue Différence
Tact 0,205 0,272 0,067
Lumière 0,184 0,356 0,172
Son 0,180 0,250 0,070

Il faut bien remarquer cependant que dans ces trois séries d’expériences les conditions de la réaction ne sont pas les mêmes. Il y a en effet, entre une impression sur le pied et une réaction de la main du même côté, une association étroite, favorisée par la conformation anatomique, l’exercice, l’usage. Il en est de même entre une sensation auditive et une réaction vocale. Mais cette association naturelle, organique n’existe pas entre une sensation de rouge et un mouvement de la main droite.

  1. Lorsqu’une impression est assez vive pour produire la frayeur, le temps physiologique est augmenté d’après Wundt, diminué d’après Exner.