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qu’on nomme un fait, son œuvre consiste à décomposer, à soumettre tous les éléments constitutifs à l’expérience et à la mesure. Elle ne peut rien au-delà. La connaissance scientifique d’un fait, c’est la détermination complète de ses rapports ; le reste est affaire de métaphysique.

Ici, le procédé suivi a été celui de toute science. Le fait psychique — complexe s’il en fut — a été étudié dans un de ses éléments constitutifs : les variations de sa durée. Mieux vaudrait sans doute pénétrer dans d’autres conditions plus intimes, telles que les variations physiologiques des cellules nerveuses ; mais chaque conquête permet de nouveaux progrès, offre des aperçus nouveaux. Déterminer la vitesse de l’agent nerveux moteur et sensitif est une œuvre en apparence secondaire pour la psychologie ; et cependant par là le fait psychique est serré de plus en plus près : c’est par des mines souterraines qu’on s’en approche. Au lieu de la méthode intérieure seule employée jusqu’ici pour étudier la succession de nos sensations et de nos idées, on a employé une méthode objective qui, entre autres résultats, nous a montré qu’on supposait à tort que l’ordre interne des représentations reproduit immédiatement l’ordre externe des phénomènes. La méthode expérimentale nous a aussi fait comprendre pourquoi la conscience consiste en une série discontinue d’états séparés par de courts intervalles ; pourquoi et dans quelles conditions ces états varient. Nous avons exposé ces faits, sans en exagérer l’importance définitive, mais en les considérant comme une pierre d’attente, et la méthode employée comme une solide promesse de succès.

Th. Ribot.