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analyses.stadler. Téléologie de Kant

avec ces causes finales que raillait si spirituellement Voltaire, et dont l’optimisme puéril veut réduire toutes les fins de la nature à la seule satisfaction de l’homme sensible. — Ce n’est pas un moins grand mérite de Kant d’avoir nettement séparé la théologie et la téléologie. Combien de nos savants et de nos philosophes auraient besoin d’apprendre de lui que la conscience religieuse ou morale n’a rien à gagner, ni rien à perdre aux nouveautés scientifiques ; que les hypothèses les plus audacieuses, celles de l’évolution, de la descendance, de la génération spontanée, par exemple, ne sont pas faites pour alarmer ni même émouvoir le vrai philosophe ? Kant ne trouverait pas moins déplacées les attaques dirigées contre Darwin par de prétendus défenseurs de la morale, que le soin superflu, que prend Darwin lui-même, de placer sa défense dans la bouche d’un théologien (V. Origine des espèces).

On comprend qu’un grand esprit, comme celui de Goethe, ait été ramené par la lecture de la Critique du Jugement au culte raisonnable des causes finales, qu’il avait complètement abandonné. « Ma défiance à l’endroit des causes finales en fut à la fois corrigée et justifiée. J’appris à distinguer nettement la fin et ’effet ; et je compris pourquoi l’entendement humain les confond si souvent l’une et l’autre. »

En résumé, il ressort de l’intéressant et savant travail de M. Stadler que la téléologie de Kant, malgré d’incontestables et très-grands défauts de composition et de style, est exempte des inconséquences, et se défend aisément contre la plupart des erreurs, que lui ont reprochées Schopenhauer, Herbart et Trendelenburg ; et qu’elle n’a rien à craindre des nouveautés de la science contemporaine. Elle garde toujours son prix incomparable comme méthode féconde de libre et prudente investigation dans les sciences inductives ; enfin nulle doctrine ne saurait lui être préférée par les esprits qui sont aussi respectueux et jaloux des droits de la conscience que de ceux de l’expérience. »

S’il fallait formuler quelque critique d’ensemble, nous n’aurions à regretter dans le livre de D. Stadler qu’une certaine confusion, que des longueurs ou des digressions que l’exemple de Kant semble avoir provoquées, et peut en tout cas expliquer et excuser en partie.

Nolen.

II

HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

Mrs  Grote : la vie intime de groteThe personal life of George Grote, compiled from family documents, private memoranda, and original letters, to and from various friends ; (London, 1873).

Mistress Grote, en racontant la vie de son mari, n’a pas prétendu apprécier ou juger l’œuvre multiple qu’il laisse derrière lui. Elle s’est contentée de donner, avec cette minutie scrupuleuse qui est le propre des biographes anglais, un journal où, année par année, et presque