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toute cohésion a eu un commencement, qu’elle ne résulte que des positions et des vitesses acquises par les éléments qui la constituent. Chez les êtres vivants et colloïdes, la cohésion se complique des mouvements de nutrition, d’assimilation et de désassimilation ; mais à travers les complications les plus grandes, on n’aperçoit jamais, au point de vue objectif, que des mouvements élémentaires se combinant en systèmes organiques suivant des formes qui dérivent elles-mêmes de leurs directions et de leurs vitesses. Ces formes persistent jusqu’à ce qu’elles soient modifiées par un changement dans les forces qui réagissent incessamment sur chaque molécule ou chaque cellule d’un organisme.


II


Non-seulement on a eu tort d’exclure l’habitude du monde inorganique, mais même dans les règnes vivants, on lui assigne généralement des bornes trop étroites. Le plupart des auteurs, surtout parmi les physiologistes, ne désignent, sous la dénomination d’habitudes, que les faits inconscients par opposition aux faits conscients, ou les faits involontaires par opposition aux phénomènes de volonté.

Rien n’est moins justifiable qu’une pareille conception. Dans les faits conscients, l’habitude joue le même rôle que dans les phénomènes qui restent étrangers au Moi, et de tous les événements dont l’intelligence est le théâtre, il n’en est point qui impliquent l’habitude à un plus haut degré que les faits volontaires.

Et d’abord, quand on oppose les faits d’habitude aux faits inconscients, il importe de bien s’entendre sur le sens qu’on attache au mot conscience. Il y a une inconscience absolue et une inconscience simplement relative au Moi intelligent et personnel. Quand on prétend que les faits d’habitude sont inconscients, on ne peut avoir en vue que cette dernière espèce d’inconscience, l’inconscience relative ; on veut dire, en d’autres termes, que les faits d’habitude s’accomplissent sans que le Moi en prenne connaissance et en soit averti. Le Moi aurait dû, d’après cette théorie, participer à l’acquisition et à la formation même des habitudes ; mais à mesure que le phénomène s’est répété, cette intervention serait devenue de plus en plus inutile, jusqu’à ce que le fait pût être réalisé sans que le Moi en eût conscience et sous la seule influence de l’habitude.

Nous pensons au contraire que l’inconscience n’est pas plus attachée à l’habitude que la conscience. Un fait d’habitude peut rester