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ser l’habitude à la volonté. Tous les faits d’habitude ne sont pas des faits volontaires ; mais tous les faits volontaires sont nécessairement des faits d’habitude.

On nous objectera que très-souvent il nous arrive de vouloir des choses que nous n’avons jamais faites, et qu’il ne peut en pareil cas être question de l’habitude. Je veux aller à Londres où je ne suis jamais allé ; je prends le chemin de fer et vais, pour la première fois de ma vie, m’embarquer à Calais. Il est certain que la série de faits intermédiaires entre ma résolution et mon arrivée à Londres, ne peut, si on la prend dans sa totalité, être considérée comme une habitude. Mais si on l’analyse, on trouve facilement qu’elle se résout dans une combinaison nouvelle de faits élémentaires dont chacun dépend d’une habitude. Ce qui est entièrement nouveau ne se trouve ni dans les actes, ni dans le rapport des actes avec les idées, mais seulement dans la combinaison des éléments d’un projet qui s’impose à la conscience avec un degré de force suffisante pour déterminer l’exécution des actes correspondants ; chacun des détails de ma conduite pour faire le voyage une fois résolu se trouve lié par la force de l’habitude avec un des éléments du projet présent à mon imagination. Quant à la combinaison nouvelle des conceptions qui constituent ce projet, elle résulte de l’adaptation réciproque d’idées qui, existant auparavant en nous avec des relations différentes, ont été rapprochées par l’action simultanée de causes diverses et plus ou moins complexes.


IV


On voit par ce qui précède que nous cherchons à faire saisir la notion d’habitude sous son aspect le plus général et dans son application la plus large. Nous lui donnerons une extension plus grande encore en faisant observer que l’habitude n’est pas nécessairement une disposition acquise par la répétition, comme le prétendent la plupart des physiologistes. Sur ce point du moins, nous sommes heureux de nous trouver d’accord avec M. Albert Lemoine : « La continuité, dit-il, ou la prolongation d’un mouvement, d’une action, d’une impression, d’un état quelconque est aussi propice que la répétition à engendrer l’habitude. Car, entre une action ou un état répété et un état ou une action prolongée, il n’y a de différence que dans les intervalles qui brisent la continuité dans le temps de cette action ou de cet état. De telle sorte qu’une manière d’être qui ne se serait