Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/592

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
584
revue philosophique

Avant de passer à l’examen du Matériel, il est peut-être utile de jeter un coup d’œil sur la position que prennent les Agnostiques (Agnostics) qui échappent à toutes les difficultés de la question en déclarant qu’elle est en dehors de la science. Ces penseurs, partant de l’axiome supposé que les causes sont inconnaissables ; que les effets seuls sont connaissables, soutiennent que quelle que soit la nature de la force vitale, ou du principe psychique, la science n’a aucun motif de s’occuper de cette question. Les phénomènes seuls sont connaissables ; c’est d’eux seuls que la science s’occupe, laissant à l’ontologie la recherche fantastique des causes. Nos recherches ne porteraient pas sur l’x inconnu, mais sur ses fonctions connues.

Celui qui a lu les « Problems of Life and Mind[1] » saura jusqu’à quel point j’accepte et jusqu’à quel point je rejette cette assertion. J’ai insisté sur la nécessité où était la science de limiter ses recherches aux fonctions connues, et de refuser d’admettre dans ses équations des quantités inconnues, même quand elles sont postulées ; mais j’ai aussi essayé de montrer que le prétendu axiome d’après lequel les causes ne sont pas connaissables, quand leurs effets sont connus, étant une erreur, et le résultat d’une conception fausse de la nature de la causalité, cet axiome n’est plausible que si l’on accepte le postulat métaphysique, d’après lequel la cause est quelque chose qui diffère de ses effets, — quelque chose qui est une quantité inconnue ; et alors l’assertion que l’on ne peut connaître la cause est un truism. J’admets que les conditions spéciales qui constituent l’état d’organisation sont actuellement très-imparfaitement connues, et qu’elles peuvent, par suite, être exprimées par le signe x ou par les signes habituels de force vitale, de vitalité, etc. Mais nous sommes également ignorants des effets particuliers. Notre connaissance des fonctions est très-imparfaite et très-vague ; mais chaque jour elle devient plus précise ; et chaque progrès fait voir plus clairement les conditions ou les causes. On ne gagnera rien en clarté en postulant un x inconnu qui serait l’agent de ces fonctions. L’agnostique ne donne pas une meilleure solution que le spiritualiste ; si ce n’est qu’il prétend expliquer les faits observés au moyen de l’expérience sensible, et qu’il ne souffre pas que ses inclinations lui dictent ses conclusions.

  1. Cf. Barthez, Nouvelle science de l’homme, 1806.