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chose qui se consomme, et qui se consomme sans retour. Et quand je dis que le temps est quelque chose, j’entends parla qu’il a une existence réelle et non pas seulement une existence idéale, comme quand nous disons que le néant est quelque chose, puisque nous en avons l’idée et que nous lui avons donné un nom. Ce temps est une réalité ; car, s’il n’était qu’une pure idée, le pendule serait à la fois au même instant à tous les points de sa trajectoire, et, dans le fait, il n’y aurait plus de périodicité, ni par conséquent de mouvement.

Tâchons de découvrir quelle est la réalité qui s’incarne dans le temps.

Pourquoi le pendule se meut-il ? Parce que, élevé à une certaine hauteur au-dessus de son point de repos, il tend à retomber et retombe quand on l’abandonne à son propre poids. Ce qui le met en mouvement, c’est l’attraction qui le sollicite vers un certain point de l’espace, soit, pour fixer les idées, vers le centre de la Terre. À parler exactement, une fraction seulement de son poids le sollicite à descendre ; l’autre fraction est absorbée par la rigidité et l’inextensibilité hypothétiques de la tige de suspension et la fixité du point d’appui. Je l’ai déjà dit, je n’élève pas de difficultés de ce dernier chef, voulant prendre la question par son côté le plus ardu. Voilà le problème simplifié ; il ne s’agit plus que de la chute d’un corps sur un autre corps en vertu de leur attraction mutuelle. Or, puisque cette chute n’est pas instantanée, puisqu’elle prend du temps, si court soit-il, c’est donc qu’elle éprouve des retards, c’est qu’elle rencontre des résistances qui finissent par être vaincues ; et des résistances vaincues peuvent-elles se reformer d’elles-mêmes ?

Le pendule, dans son mouvement alternatif, brise donc des résistances, et c’est pourquoi son mouvement prend du temps. Que sont ces résistances ? Je n’en sais rien ni ne veux rien en savoir pour le moment, car ce sujet m’entraînerait tellement loin, que je pourrais ne pas revenir. Toujours est-il qu’elles existent sous une forme n’importe laquelle, ce qui permet d’affirmer que la périodicité indéfinie et parfaite est impossible à concevoir, même en se renfermant dans l’abstraction pure.

Concluons. Entre ces deux principes logiques : il n’y a pas d’effet sans cause, et, la cause entière passe dans son effet, il y aurait une contradiction absolue si l’on tirait du second par voie de conséquence que l’effet peut reproduire la cause. Et, si cette conséquence est illégitime, la vie de la nature entière se déroule entre un état initial et un état final, ou, pour parler le langage ordinaire, elle a eu un commencement et elle aura une fin.